La niche fiscale « Airbnb » supprimée par le Conseil d’État, un revers pour le gouvernement

Le Conseil d’État vient de frapper un coup d’arrêt à une mesure fiscale controversée, en annulant une note gouvernementale qui réintroduisait un abattement fiscal pour les locations meublées de tourisme de type Airbnb, pourtant supprimé par la loi de finances pour 2024. À la suite de l’adoption d’un article dans le budget 2024, l’abattement fiscal sur les locations de meublés touristiques avait été réduit à 30 % dans les zones tendues, contre 71 % précédemment. Le gouvernement, qui préférait un taux de 50 %, avait laissé passer cette mesure par erreur lors des recours au 49.3.

Pour tenter de corriger cette « erreur », le gouvernement avait publié une note dans le Bulletin officiel des finances publiques, autorisant les contribuables à utiliser le taux antérieur pour les revenus de 2023. Cependant, cette tentative, jugée illégale par le Conseil d’État, permettait aux propriétaires de locations Airbnb de ne pas appliquer la nouvelle loi de finances, créant ainsi une niche fiscale injustifiée.

Cette décision du Conseil d’État a été accueillie avec satisfaction par les élus locaux et les acteurs du secteur hôtelier, qui redoutaient que la mesure n’aggrave la pénurie de logements dans les zones touristiques en encourageant les locations de courte durée au détriment des résidents permanents. L’Association pour un tourisme professionnel (AToP) et le Groupement des Hôtelleries et Restaurations de France ont également exprimé leur soutien, soulignant que cette décision pourrait contribuer à atténuer la crise du logement en réduisant les incitations à la location touristique de courte durée.

Bien que la décision du Conseil d’État ne soit pas rétroactive, elle aura des implications budgétaires significatives. Les contribuables ayant déjà déclaré leurs revenus pour 2023 ne seront pas impactés, mais le gouvernement devra faire face à un manque à gagner estimé à plus de 330 millions d’euros pour l’État. Ce contexte budgétaire difficile, avec un objectif de 10 milliards d’euros d’économies sur le budget 2024, rend cette décision d’autant plus cruciale.

Cette annulation pourrait également marquer un tournant décisif dans la politique de logement du pays. En alignant le régime fiscal des meublés de tourisme sur celui des locations nues, le gouvernement espère freiner la prolifération des locations de courte durée, un des facteurs aggravants de la crise du logement. Elle ouvre également la voie à d’autres actions en justice contre des dispositifs fiscaux similaires, soulevant des questions essentielles sur l’équité fiscale et l’accès au logement.

Parallèlement, une proposition de loi transpartisane, adoptée en première lecture, vise à accorder des pouvoirs étendus aux maires pour réguler les locations de type Airbnb. Cette initiative prévoit d’aligner le régime de micro-BIC des meublés de tourisme sur celui de la location nue, avec un abattement réduit, tout en maintenant des incitations pour le classement des meublés de tourisme dans les zones rurales. Elle renforce également les prérogatives des élus locaux pour limiter la durée maximale de location des résidences principales à 90 jours par an et réserver les nouvelles constructions aux résidences principales dans certains quartiers.

La décision de maintenir un abattement fiscal pour les revenus 2023 malgré son abrogation pour 2024 a suscité de vives réactions. Certains élus locaux et professionnels de l’hôtellerie dénoncent cette dérogation comme étant « illégale » et « incompréhensible », soulignant ses potentiels effets néfastes sur le marché immobilier local, notamment dans les zones touristiques, où elle pourrait favoriser les locations touristiques au détriment des habitants permanents.

Cette décision du Conseil d’État pourrait inciter à une révision plus large des politiques fiscales liées aux locations de meublés de tourisme. Les critiques soulignent l’importance d’une approche équilibrée qui soutienne à la fois le secteur du tourisme et les besoins des résidents locaux. Le débat sur l’équité fiscale et l’accès au logement est loin d’être clos, et cette annulation pourrait bien être le point de départ pour des réformes plus profondes et structurelles.

En conclusion, la décision du Conseil d’État de supprimer la niche fiscale d’Airbnb souligne clairement les graves lacunes de la politique gouvernementale en matière de fiscalité des locations touristiques. Cette volte-face administrative met en évidence non seulement les erreurs stratégiques du gouvernement, mais elle représente également une étape significative pour les défenseurs de l’équité fiscale. Cette décision pourrait bien être le catalyseur nécessaire pour initier des réformes urgentes visant à rééquilibrer les intérêts concurrents du tourisme et du logement résidentiel dans les zones sous forte pression.

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