Un mois après son arrivée à Matignon, François Bayrou a présenté, ce 14 janvier, sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale. Pendant 90 minutes, le Premier ministre a dessiné les contours de son projet, oscillant entre volonté de dialogue et maintien des contraintes budgétaires. Mais au-delà des mots, quelles réalités pour les collectivités locales, souvent premières victimes des arbitrages d’État ?
Un effort budgétaire « réduit », mais toujours imposé
Alors que le gouvernement Barnier prévoyait une ponction de 5 milliards d’euros sur les collectivités pour réduire le déficit public, François Bayrou annonce un ajustement à 2,2 milliards. Une réduction qui se veut rassurante, mais qui maintient une pression budgétaire lourde sur des territoires déjà fragilisés. « J’ai confiance dans la capacité des élus à mener cet effort », a affirmé le Premier ministre, minimisant les effets concrets de ces coupes. Pourtant, ces décisions risquent d’asphyxier les investissements locaux, de freiner le développement des infrastructures essentielles et d’éroder la qualité des services publics. Une fois encore, le désengagement de l’État place les collectivités en première ligne pour compenser les manques.
Des annonces sur la santé : un miroir aux alouettes ?
La santé figure parmi les priorités affichées du discours. François Bayrou promet une « hausse notable » du budget de l’Ondam pour soutenir les soignants et protéger les plus fragiles. Mais cette annonce s’accompagne d’un manque criant de précisions. Les collectivités, déjà en charge de la gestion des établissements de santé et confrontées à des besoins croissants, craignent que cette promesse ne se concrétise pas en moyens réels sur le terrain. Dans un contexte de déserts médicaux et d’établissements sous tension, cette « hausse » pourrait n’être qu’un écran de fumée. Sans garanties concrètes, les élus locaux resteront seuls à devoir répondre aux attentes grandissantes de leurs habitants.
Retraites : un chantier sans boussole
La réforme des retraites, point de crispation majeur, est « remise en chantier » avec une mission flash confiée à la Cour des comptes. François Bayrou évoque une approche sans « totem ni tabou », mais la démarche entretient un flou inquiétant. Pour les collectivités, employeurs publics, cette réforme est cruciale, car elle concerne directement leurs agents. Pourtant, aucune orientation claire n’a été donnée, laissant les élus locaux dans l’incertitude sur les impacts potentiels. Alors que les partenaires sociaux sont appelés à dialoguer, les collectivités restent en attente de réponses concrètes.
Une méthode en question
François Bayrou s’est présenté comme l’homme du compromis et du dialogue. Mais derrière les formules policées, les annonces manquent de cohérence et de profondeur. La prévision de croissance, abaissée à 0,9% ( au lieu de 1,1%) pour 2025, illustre la fragilité économique du pays, tandis que les collectivités continuent de porter une grande part des efforts imposés par l’État. Une fois encore, elles semblent être considérées comme des variables d’ajustement dans une équation budgétaire nationale où les priorités locales ne trouvent pas leur place.
Le discours du nouveau Premier ministre, bien qu’ambitieux dans sa présentation, laisse une impression d’inachevé. En filigrane, il traduit un paradoxe : une volonté affichée de refondation, mais des contraintes budgétaires qui brident les ambitions. Des concessions timides et une absence de réformes structurelles profondes viennent nourrir les inquiétudes des élus locaux. Les collectivités apparaissent, une fois de plus, comme des variables d’ajustement face à des décisions centralisées.
Face à ces incertitudes, les socialistes se montrent déterminés : leur vigilance ne se limitera pas à des déclarations d’intention. Si le gouvernement persiste dans cette logique, il devra s’attendre à une opposition ferme et organisée. Pour les territoires, il ne s’agit pas seulement de rectifications budgétaires : il faut des engagements clairs et des moyens ambitieux pour répondre aux défis quotidiens des habitants.