Le gouvernement a présenté hier, en Conseil des ministres, son projet de loi relatif à l’Industrie verte. Ce texte comporte plusieurs mesures concernant les communes et les EPCI, dont l’une remet en question les compétences d’urbanisme des maires.
Le gouvernement veut s’engager dans le développement de l' »industrie verte » pour faire face à un « triple défi » : l’emploi après des décennies de délocalisations, le développement durable et la souveraineté économique du pays. Pour tenter d’y parvenir, le gouvernement ne se contente pas de présenter un projet de loi. Il annonce également la mise en place de mesures réglementaires et le lancement de chantiers visant à réformer différentes procédures.
Le gouvernement met en place une stratégie axée sur « quatre priorités » : « Faciliter, financer, favoriser, former », également connue sous le nom des « 4 F ». Les collectivités seront principalement impliquées dans la première priorité, « faciliter », qui vise à accélérer les procédures administratives d’autorisation. Elles seront également concernées dans une moindre mesure par la priorité « favoriser », qui inclut notamment la commande publique.
Accélérer l’implantation industrielle verte
Le volet « Faciliter » comprend cinq mesures essentielles. La première mesure consiste à anticiper et pré-aménager 50 sites afin de constituer une réserve stratégique de terrains productifs immédiatement disponibles. Les collectivités désireuses de participer à cette initiative bénéficieront d’un soutien financier via le Fonds vert. Le gouvernement souligne que l’ancien Fonds friche, désormais intégré au Fonds vert, a principalement servi à la construction de logements, mais que l’objectif actuel est de mobiliser des ressources pour la création de terrains industriels. Le projet de loi sur l’Industrie verte prévoit également la mise en place d’une planification régionale du foncier industriel en intégrant un nouvel objectif de développement industriel dans les Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet).
Réduire les délais d’implantation
Le président s’est engagé à réduire de moitié les délais d’implantation industrielle en France. Actuellement, ces délais atteignent en moyenne 17 mois, tandis qu’ils sont de seulement 9 mois en Allemagne.L’objectif du gouvernement est de garantir une réduction de ces délais à 9 mois. Pour y parvenir, l’idée est de passer d’une approche séquentielle à des phases parallèles. Actuellement, les différentes étapes du processus (examen des services, avis de l’autorité environnementale, enquête publique, etc.) se déroulent successivement. La réforme consisterait à les mener simultanément.
Mesure controversée : procédure exceptionnelle pour les projets d’intérêt national majeur
Le gouvernement propose également une mesure visant à créer une « procédure exceptionnelle simplifiée pour les projets d’intérêt national majeur ». Cependant, contrairement aux autres propositions qui sont globalement bien accueillies par les associations d’élus, cette mesure suscite de fortes préoccupations pour l’AMF, qui la considère comme « inacceptable ». Selon l’article 9 du projet de loi, certaines procédures relevant de la compétence des maires seraient « recentralisées » par l’État pour les projets industriels identifiés (par décret) comme étant d' »intérêt national majeur ». Cette démarche vise à accélérer l’harmonisation des documents d’urbanisme tels que les plans locaux d’urbanisme (PLU), les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les cartes communales. Bien que ce ne soit pas la première fois qu’un tel dispositif soit mis en place, il est néanmoins considéré comme une atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, comme l’ont souligné les représentants des élus au sein du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN). Une fois de plus, le gouvernement avance l’argument selon lequel ce sont les maires qui ralentissent les procédures, alors que les représentants de l’AMF ont expliqué au CNEN que « la lenteur des procédures n’est pas due à l’inaction des maires, mais à la prolifération excessive de la réglementation ».
L’AMF a réagi hier, via un communiqué, en indiquant son opposition à cette disposition. L’association insiste sur le fait qu’aucune dérogation au projet territorial ne devrait être autorisée sans le consentement des collectivités concernées. L’ensemble de l’article donne au préfet le rôle d’interlocuteur exclusif du porteur de projet, ce qui constitue une ingérence dans les compétences des collectivités territoriales en matière d’aménagement du territoire. L’AMF estime que les maires et les présidents d’intercommunalité doivent avoir le pouvoir de décider des implantations industrielles à développer sur leur territoire. Elle souligne également que tout ce qui est fait sans la participation des maires est fait contre eux.
Avis du Conseil d’État et engagement environnemental
Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État reconnaît explicitement que cette mesure constitue une atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales et une forme de « recentralisation ». Cependant, il estime que cette atteinte est « justifiée » dans le contexte où ces projets répondent à des « intérêts fondamentaux de la nation ». De plus, le Conseil d’État considère que la délivrance directe des autorisations d’urbanisme par l’État, bien qu’elle soit limitée aux projets exceptionnels, ne constitue pas une violation certaine de la Constitution qui garantit pourtant la libre administration des collectivités territoriales. Le Conseil d’État utilise ici l’argument souvent invoqué par le Conseil constitutionnel, en justifiant une atteinte au principe de libre administration au prétexte qu’elle serait « rarissime » ou « extraordinaire ». Cependant, à force d’accumuler ces atteintes qualifiées de rares, elles finissent par devenir plus fréquentes et moins justifiables.
Modifications des règles de commande publique pour les produits respectueux de l’environnement
Il est également important de noter que le projet prévoit des modifications des règles en matière de commande publique afin de « promouvoir davantage les produits respectueux de l’environnement ». Le gouvernement met en avant l’idée que « les acheteurs publics ont le droit de considérer de manière équitable les aspects environnementaux ainsi que les critères de prix ». La notion d' »offre économiquement la plus avantageuse » ne doit pas se limiter à un critère financier, mais doit prendre en compte le « meilleur rapport qualité-prix », qui intègre également des critères environnementaux. De plus, le projet de loi (article 13) prévoit la révision des critères d’exclusion des marchés publics. Les acheteurs publics seront en mesure d’exclure désormais les entreprises de la procédure de passation d’un marché si elles ne remplissent pas leur obligation de fournir un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre.
Ce texte, déposé au Sénat, devrait être examiné probablement avant cet été.