MENACES, SILENCES ET DEMI-MESURES : LA PROTECTION DES ÉLUS EN QUESTIONS

Le gouvernement a dévoilé le 20 mai le rapport d’activité du Centre d’Analyse et de Lutte contre les Atteintes aux Élus (CALAE). Derrière le satisfecit ministériel, un constat plus nuancé s’impose : les élus de proximité restent en première ligne, mal protégés, peu entendus, et souvent seuls face aux violences.

Un chiffre officiel, une réalité officieuse

Le rapport recense 2 501 faits visant des élus en 2024, dont 250 agressions physiques. Le chiffre est présenté comme une baisse de 9 % par rapport à l’année précédente. Mais personne ne s’y trompe : ce recul apparent reflète surtout une fatigue croissante des victimes, des dépôts de plainte plus rares, et une forme d’accoutumance à l’inacceptable. Les maires et les adjoints concentrent à eux seuls plus de 80 % des atteintes. Ce sont eux qui, jour après jour, incarnent l’autorité républicaine dans les territoires. Et ce sont eux qu’on attaque.

Le Finistère mentionné, mais l’essentiel reste à faire

Le Finistère figure dans le rapport pour quelques initiatives locales : contacts renforcés avec la gendarmerie, appui de l’AMF, accompagnement moral des maires isolés. En 2024, 51 atteintes ont été recensées dans le département, soit presque une par semaine pour les 277 communes que compte aujourd’hui le Finistère. Le rapport, bien qu’arrêté au 31 décembre 2024, continue pourtant de mentionner 282 communes, comme si les six fusions intervenues entre 2016 et 2019 n’avaient jamais existé. Ce décalage, en apparence anecdotique, illustre une persistance administrative à raisonner hors-sol, là où les élus attendent des réponses concrètes et adaptées à leur réalité. Rien ne permet d’affirmer que les pratiques évoquées seront prolongées ou étendues. Et surtout, aucune garantie n’est donnée aux élus pour un suivi dans la durée, un appui judiciaire lisible ou un véritable soutien psychologique.

Des dispositifs à l’épreuve du terrain

Le fameux « Pack sécurité », présenté comme la réponse de l’État, peine à convaincre. En 2024, seuls 74 élus ont reçu un bouton d’alerte. À l’échelle nationale, cela relève davantage du symbole que de la stratégie. Le dispositif d’aide psychologique, quant à lui, n’a été sollicité que 70 fois depuis sa création. Là encore, le chiffre en dit long sur l’accessibilité réelle et la diffusion de l’information.

Le rapport évoque aussi les formations à la gestion des incivilités, dispensées par le RAID et le GIGN. Près de 30 000 élus ont été formés depuis 2021, majoritairement dans les zones couvertes par la gendarmerie. Mais en 2024, seules 214 personnes ont bénéficié de ces sessions en zone police nationale. Quant aux formations les plus poussées, elles ciblent surtout les parlementaires et les grandes métropoles. On est loin d’un dispositif à la hauteur des attentes des élus ruraux.

Une loi adoptée, mais des attentes persistantes

La loi du 21 mars 2024, censée renforcer la sécurité des élus, a été promulguée dans la foulée d’incidents marquants. Elle alourdit les sanctions en cas de violence, automatise l’octroi de la protection fonctionnelle, et impose aux procureurs d’informer les maires des suites données aux infractions commises sur leur territoire. Mais comme souvent, la difficulté n’est pas tant dans le texte que dans sa mise en œuvre. Le rapport indique que seuls six départements disposent aujourd’hui d’un protocole formalisé entre préfets, procureurs et élus. Une donnée qui résume l’écart entre les ambitions affichées et la réalité administrative.

Ce que disent les élus, ce que le rapport n’entend pas

Olivier Bellec, maire de Trégunc, n’a pas théorisé la violence faite aux élus. Il l’a subie. En septembre 2023, après avoir simplement signalé un stationnement illégal, il a été agressé. Dans les colonnes de Ouest-France, il déclarait alors : « On atteint une sorte de déraison dans les comportements. Je n’ai fait que mon devoir. Le maire est officier de police judiciaire, représentant de l’État, et il est hors de question que cette autorité soit bafouée. »

Ce témoignage rejoint les constats formulés dans les échanges recensés par le CALAE. De nombreux élus évoquent un sentiment de solitude croissante, des administrés toujours plus impatients, une agressivité désormais banale, des tensions exacerbées autour de sujets quotidiens comme l’urbanisme, la sécurité ou le logement. L’écoute active, la désescalade, la pédagogie, ils les pratiquent chaque jour. Mais trop souvent sans filet, sans relais, sans appui visible. Le numéro d’aide psychologique reste peu sollicité ? Peut-être parce qu’à force d’être exposés, les élus ont compris qu’on ne les écouterait pas plus au bout du fil qu’en face.

La lassitude des élus ne se combattra pas à coups de symboles. Elle exige des choix nets, applicables, et qui tiennent enfin compte des inégalités territoriales.

Le rapport d’activité complet du CALAE (2023–2025) est consultable ci-dessous.

Rapport CALAE

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