Le Sénat entame aujourd’hui la discussion sur le projet de loi intitulé « Immigration et intégration ». L’examen de ce projet a été retardé en raison du mouvement social sur les retraites, ce qui a conduit à un décalage par rapport à la date initialement prévue, à la fin du mois de mars de l’année dernière. Le gouvernement hésite quant à l’obtention d’une majorité pour ce projet, ce qui explique ce report.
Le projet de loi, rédigé par le gouvernement, est divisé en cinq titres, chacun ayant des objectifs spécifiques. Ces titres visent à améliorer l’intégration des étrangers par le travail et la langue, à renforcer les procédures d’éloignement, à sanctionner l’exploitation des migrants, à réformer le droit d’asile et à simplifier les règles relatives à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers.
Le titre I suscite le plus de controverses, en particulier en raison de l’article 3 du projet, qui traite des métiers en tension. Cet article propose la création d’une carte de séjour temporaire avec la mention « travail dans des métiers en tension, » permettant la régularisation d’un étranger en situation irrégulière pour une période d’un an, sans nécessité d’une démarche de l’employeur. Les candidats à cette carte devront prouver leur ancienneté de résidence en France et leur expérience professionnelle dans des emplois figurant sur la liste des métiers en tension (tels que le bâtiment, l’hôtellerie-restauration, l’accompagnement des personnes âgées, etc.).
Cette disposition est le principal point de discorde du projet de loi. Elle est soutenue par la gauche, les centristes et certains parlementaires Renaissance, mais fermement rejetée par les parlementaires LR et RN, qui craignent qu’elle n’encourage l’immigration clandestine, bien que cette mesure s’adresse aux travailleurs déjà installés en France et non aux nouveaux arrivants. Le gouvernement semble désormais prêt à retirer cette disposition pour obtenir le soutien des députés LR, qui sont nécessaires pour l’adoption du texte. Cependant, à la veille du débat en séance publique, aucun amendement en ce sens n’a été déposé, et il reste à voir si le gouvernement donnera un avis favorable aux trois amendements visant à supprimer l’article 3.
D’autres points importants du projet de loi incluent l’article 7, qui concerne les professions de santé et prévoit une nouvelle carte de séjour pluriannuelle pour les professionnels de santé recrutés par des établissements de santé publics ou privés à but non lucratif. L’article 9 vise à réformer les procédures d’expulsion, en permettant d’expulser les étrangers condamnés pour des crimes graves. L’article 10 concerne également les obligations de quitter le territoire français (OQTF) et vise à réduire les protections pour ceux qui représentent une menace grave pour l’ordre public.
L’article 13 crée une nouvelle obligation d’engagement à respecter les principes de la République pour obtenir une carte de séjour, y compris la laïcité et l’égalité entre les sexes. Concernant la lutte contre l’exploitation des migrants, le projet de loi prévoit également de renforcer les sanctions contre les passeurs et les marchands de sommeil.
En ce qui concerne le droit d’asile, le projet de loi propose la création de « pôles territoriaux France asile » pour favoriser un rééquilibrage territorial de l’accueil des demandeurs d’asile et renforcer la proximité du service public. La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) serait également réformée pour inclure des chambres territoriales.
La commission des lois du Sénat a examiné le projet de loi en mars dernier. Elle n’a pas pris position sur l’article 3 en raison de désaccords entre les rapporteurs et a réservé son jugement pour l’examen en séance publique. La commission a voté plus de 70 amendements visant à durcir le projet de loi, estimant qu’il manquait de cohérence et comportait des lacunes, notamment sur les quotas d’immigration, l’aide médicale d’État (AME) et le regroupement familial. Elle a ainsi ajouté un article sur les quotas et proposé de durcir les conditions de regroupement familial.
La commission du Sénat a également proposé de remplacer l’AME par une « aide médicale d’urgence, » ce qui a suscité des débats sur sa suppression. La discussion sur le projet de loi au Sénat se poursuivra jusqu’au 14 novembre, avec de nombreux amendements et motions déposés, dont certaines remettent en question la constitutionnalité du texte. Le gouvernement a également déposé plusieurs amendements pour rétablir certaines dispositions de sa version initiale et introduire de nouvelles mesures.