Une protection fonctionnelle différenciée
La protection fonctionnelle, qui assure un soutien juridique et financier aux élus confrontés à des poursuites dans le cadre de leurs fonctions, ne s’applique pas de manière uniforme. Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a validé des dispositions légales ( article L. 4135-28 du CGCT ) qui limitent cette protection à certains élus, notamment les présidents de conseils régionaux ou ceux ayant reçu une délégation. Ces derniers sont retenus comme plus exposés aux risques juridiques en raison de leurs responsabilités exécutives. En revanche, les conseillers régionaux sans délégation ne bénéficient pas de la même protection.
Cette différence a été contestée par certains élus, estimant qu’elle crée une inégalité de traitement injustifiée entre les membres du conseil régional, tous élus au suffrage universel, mais dont certains sont exclus du bénéfice de cette protection simplement en raison de l’absence de exécutifs ou de délégations fonctions spécifiques.
Cependant, le Conseil constitutionnel a jugé que cette différence de traitement était justifiée par la nature distincte des fonctions. Les élus chargés de responsabilités exécutives sont plus exposés aux poursuites pénales, et il est donc légitime de leur accorder une protection renforcée. Cette distinction repose sur une « différence de situation » conforme à l’objet de la loi, et donc constitutionnelle.
Agents publics et élus : une couverture différente
Un autre aspect clé de cette décision concerne la comparaison entre les élus locaux et les agents publics. Ces derniers bénéficient d’une couverture beaucoup plus large en matière de protection fonctionnelle, y compris lors d’une enquête préliminaire ( article L. 134-4 du Code général de la fonction publique ), contrairement aux élus locaux. Pour les élus, cette protection est beaucoup plus restreinte et ne s’applique généralement que lorsque des poursuites pénales formelles sont engagées ( Décision n° 2024-1106 QPC du 11 octobre 2024 ).
Cela signifie que les poursuites pénales formelles sont celles pour lesquelles une action judiciaire a officiellement débuté, contrairement aux enquêtes préliminaires où les investigations sont encore en cours. Cette différence a soulevé des critiques, notamment de la part des collectivités, qui estiment qu’il existe une rupture d’égalité entre élus et agents publics. Cependant, le Conseil constitutionnel a de nouveau justifié cette disparité en invoquant la différence de missions entre les élus et les fonctionnaires. Les fonctions des élus locaux, qui relèvent souvent de la gestion politique, ne sont pas assimilables à celles des agents publics. Ainsi, la différence de traitement est ici aussi jugée en rapport avec l’objet de la loi et conforme à la Constitution.
L’absence de reconnaissance d’un principe fondamental
Un autre aspect notable de cette décision est le refus du Conseil constitutionnel d’élever la protection fonctionnelle au rang de Principe Fondamental reconnu par les Lois de la République ( Décision n° 2024-1107 QPC du 11 octobre 2024 ). Les pré-requis espéraient que cette reconnaissance aurait conféré à la protection fonctionnelle une portée constitutionnelle, assurant ainsi une application uniforme et plus étendue de ce droit à tous les élus.
Cependant, le Conseil constitutionnel a estimé que, bien que la protection fonctionnelle soit importante, elle ne remplit pas les critères stricts pour être considérée comme un PFRLR. En conséquence, elle reste un principe général du droit, dont l’application dépend des lois en vigueur, mais sans la force contraignante qu’aurait un PFRLR, qui est ancré dans la Constitution et inaltérable par de simples modifications législatives.
Conséquences pour les élus locaux
Pour les élus locaux, cette décision du Conseil constitutionnel clarifie certaines zones d’incertitude tout en mettant en évidence les limites actuelles de la protection fonctionnelle. Il est désormais acté que la protection accordée aux élus peut varier en fonction de leur rôle, et qu’elle ne s’étend pas aux situations d’enquête préliminaire, contrairement à celle dont bénéficient les agents publics.
Concrètement, l’absence de délégation signifie que les élus sans responsabilité exécutive ou sans rôle spécifique au sein de leur conseil régional ne bénéficient pas des mêmes protections que leurs homologues exerçant des fonctions avec délégation. Cela signifie que les élus locaux doivent être particulièrement vigilants quant aux risques juridiques qu’ils peuvent encourir dans l’exercice de leurs mandats, surtout s’ils n’occupent pas de fonctions exécutives ou ne disposent pas de délégations particulières. La compréhension du cadre juridique et des protections dont ils peuvent bénéficier est donc primordiale pour éviter des désagréments dans des situations sensibles.