Réforme territoriale de la DGFiP, une rupture du lien de confiance selon l’enquête de l’AMF

L’Association des Maires de France a récemment publié une enquête détaillée sur les effets de la réforme territoriale de la Direction Générale des Finances Publiques, initiée en 2020. Cette réforme, qui visait à moderniser les services et à dématérialiser les opérations comptables, a reçu des retours contrastés de la part des collectivités locales. Alors que la modernisation des services publics est perçue comme nécessaire, l’enquête révèle que la réforme a entraîné un certain nombre de dysfonctionnements, compliquant le quotidien des gestionnaires et affectant les relations entre les collectivités et l’administration fiscale.

Une déshumanisation des relations entre collectivités et DGFiP

Selon l’enquête de l’AMF, l’un des effets les plus marquants de la réforme est la disparition du lien de proximité entre les collectivités et la DGFiP. Cette rupture, largement attribuée à la fermeture des trésoreries locales, a transformé les relations autrefois fondées sur des contacts humains directs. Désormais remplacés par des Services de Gestion Comptable centralisés, ces échanges, autrefois fluides et rapides, ont été relégués à des interactions dématérialisées, souvent perçues comme impersonnelles et moins réactives. L’enquête révèle également qu’un certain sentiment d’abandon est ressenti par de nombreuses communes, qui constatent une perte de confiance progressive dans les services de la DGFiP, alors même que ce lien de proximité était perçu comme un pilier essentiel de l’accompagnement des collectivités.

Un processus de dématérialisation coûteux et inadapté

La dématérialisation des services, introduite par la réforme, a été largement perçue par les collectivités comme une « déshumanisation » des relations avec l’administration fiscale. En plus de la perte des interlocuteurs directs, de nombreuses collectivités déplorent une complexité accrue des procédures, qui génère des retards dans la gestion des dossiers et une multiplication des rejets de mandats sans explication préalable. Cette situation a non seulement allongé les délais de réponse, mais elle a également ajouté une nouvelle couche de difficulté à une gestion financière déjà complexe, en particulier pour les plus petites communes. Ceux qui, dans l’enquête, apprécient les bénéfices de la dématérialisation reconnaissent néanmoins que sa mise en œuvre reste loin d’être homogène et bien accompagnée, notamment dans les territoires les moins bien dotés en ressources numériques.

Des outils numériques encore loin de leurs promesses

Bien que la réforme ait été conçue pour simplifier les opérations comptables grâce à la dématérialisation, les résultats sont loin d’être uniformes. En particulier pour les petites communes, cette transition s’est avérée coûteuse et complexe. L’acquisition de nouveaux logiciels, les formations nécessaires pour les agents et les abonnements récurrents ont entraîné des charges financières supplémentaires imprévues. À cela s’ajoute une complexité accrue des procédures, qui a engendré une augmentation considérable de la charge de travail des équipes locales, éloignant la réforme de l’objectif initial d’efficacité et de simplification promise. L’enquête reflète également une disparité dans l’adoption des outils numériques, certains les trouvant utiles, mais d’autres y voyant une surcharge, notamment avec des frais liés à l’utilisation de PayFiP et des logiciels de gestion, et des dysfonctionnements récurrents, comme ceux observés avec Chorus Pro. Ces freins, combinés à un manque d’accompagnement adapté, ont découragé certaines collectivités.

Des conseillers insuffisants pour combler le vide laissé par les trésoreries

Pour tenter de compenser la disparition des trésoreries locales, la DGFiP a introduit les Conseillers aux Décideurs Locaux, censés fournir une assistance technique aux collectivités en matière financière et comptable. Cependant, malgré leur utilité, leur nombre s’avère largement insuffisant par rapport à la demande croissante. Beaucoup de communes, surtout les plus petites, constatent un manque de suivi adapté et régulier, les conseillers étant surchargés et trop peu nombreux pour répondre aux besoins spécifiques de chaque territoire. Ce manque de disponibilité des conseillers complique encore davantage la gestion des collectivités, qui se retrouvent sans le soutien personnalisé nécessaire pour faire face à des procédures de plus en plus complexes et exigeantes.

Un autre aspect critique est le périmètre d’intervention des conseillers, souvent trop étendu. Chargés de multiples dossiers à travers différents secteurs, ils peinent à répondre aux besoins spécifiques des collectivités de manière ciblée et réactive. Cette dispersion des efforts conduit à un manque de suivi adapté, laissant de nombreuses communes sans réponses concrètes pour des problèmes pourtant urgents. Les collectivités réclament donc un renforcement significatif de ces ressources, qui ont un rôle essentiel mais sont perçues comme trop dispersées et pas assez spécialisées.

Propositions de solutions pour rebâtir la confiance

Face à ces difficultés, l’AMF et les collectivités ont avancé plusieurs propositions pour améliorer la situation. Les collectivités réclament la mise en place d’interlocuteurs dédiés dans chaque direction départementale et régionale des finances publiques, afin de rétablir un lien de proximité. Cela permettrait non seulement de répondre plus rapidement aux besoins locaux, mais aussi de renforcer la personnalisation des échanges, aujourd’hui perçus comme trop dématérialisés et impersonnels.

De plus, il est proposé d’établir des protocoles de communication plus clairs et efficaces, afin d’éviter les rejets de mandats sans explication préalable et de mieux comprendre les décisions comptables avant qu’elles n’affectent la gestion locale. Les collectivités demandent également un renforcement des formations techniques et des outils de dématérialisation adaptés à la taille des collectivités, afin de leur permettre de mieux maîtriser les outils et de gérer plus efficacement leurs finances dans un environnement numérique.

Vers un partenariat renouvelé

Devant ces difficultés persistantes, l’AMF appelle à repenser en profondeur le partenariat entre la DGFiP et les collectivités. Pour sortir de l’impasse actuelle, il est indispensable de rétablir une approche plus humaine dans les interactions avec les services comptables, en mettant en place des interlocuteurs privilégiés au sein des Directions départementales des finances publiques. Cette démarche permettrait non seulement de rétablir la confiance, mais aussi de rendre les échanges plus fluides et adaptés aux besoins des collectivités.

Il est aussi essentiel de réadapter les procédures pour qu’elles prennent en compte les spécificités locales. Trop souvent, des règles uniformes ont été appliquées sans tenir compte des besoins variés des collectivités, entraînant des erreurs et des lenteurs administratives. La modernisation des bases cadastrales devient indispensable pour améliorer la gestion fiscale, tout en garantissant une réponse adaptée aux réalités des territoires.

 

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