Le 16 février dernier, Le Sénat a adopté en première lecture la proposition de loi visant à ouvrir le recours au tiers financement à l’État et aux collectivités territoriales pour massifier la rénovation énergétique des bâtiments publics.
La proposition de loi, qui prévoit une expérimentation de l’outil pendant cinq ans, a déjà été adoptée par l’Assemblée nationale le 19 janvier, et pourrait, selon le souhait du gouvernement, être opérationnelle « à l’été ». Ce texte doit avant tout être apprécié face au « mur d’investissement » devant lequel les collectivités sont confrontées pour rénover leurs bâtiments, notamment scolaires, et à la flambée des factures énergétiques.
Concrètement, le texte permet à l’État, aux établissements publics et aux collectivités de faire reposer sur un tiers le financement initial des travaux, puis de ne s’acquitter de leur dette qu’une fois les travaux terminés, c’est-à-dire une fois que ceux-ci leur auront permis de réaliser des économies d’énergie. Il fait sauter un verrou de la commande publique, en leur permettant de recourir à titre exceptionnel au paiement différé dans le cadre des contrats de performance énergétique, sous la forme d’un marché global de performance pour la rénovation d’un ou plusieurs de leurs bâtiments.
Ce type d’opération n’était pas possible jusqu’à présent, sauf à recourir aux marchés de partenariat, modalité complexe et contraignante, et donc très peu utilisée à l’appui des contrats de performance énergétique. Il ne s’agit pas d’en revenir aux partenariats public-privé (PPP). Premièrement, le dispositif vise à déléguer les travaux, et non pas la gestion du bâtiment. Or, les PPP requièrent un transfert de maîtrise d’ouvrage. Deuxièmement, il est fléché vers le secteur public, avec la particularité de pouvoir s’appuyer « par exemple, sur son intercommunalité, sur la Banque des Territoires, une SEM, une SPL, ou même un syndicat d’énergie en n’ayant pas la difficulté de se demander quel est le niveau de profit ou de rentabilité du dispositif« , a précisé le ministre.
Pour la rapporteur, Jacqueline Eustache-Brinio, « les conditions de passation de ces contrats sont lourdes, ce qui risque de limiter fortement l’intérêt du dispositif pour les propriétaires publics ». Elle considère cette expérimentation « davantage comme un outil complémentaire pour favoriser la transition énergétique, qu’une solution miracle pour alléger le budget des collectivités territoriales peinant à respecter leurs engagements en matière de rénovation énergétique« .
Des modifications ont été apportées par la commission des lois pour simplifier le recours à ce dispositif et renforcer son suivi et son évaluation, consciente de l’incitation à la dette qui peut résulter de l’ouverture du paiement différé et des « surcoûts » qu’entraîne le dispositif du tiers-financement. Tout en recentrant le bénéfice du dispositif sur la seule expérimentation de la proposition de loi, elle l’a ainsi étendu à la prise charge des travaux de performance énergétique par les EPCI et les syndicats d’énergie qu’autorise déjà le code général des collectivités territoriales. Elle a aussi adopté l’amendement du gouvernement, qui en assouplit les conditions de mise en oeuvre lorsque les contrats portent sur plusieurs bâtiments.
Afin de rendre plus opérationnel le dispositif, une précision a été apportée, prévoyant que le recours à ce type de contrat peut intervenir s’il apparaît « au moins aussi favorable » que les autres contrats publics. En parallèle, pour éviter toute situation de surendettement, elle a accru le degré de précision attendu de l’étude de soutenabilité budgétaire, celle-ci devant identifier précisément les incidences budgétaires pour chacune des parties prenantes, lorsque le marché est conclu pour le compte de plusieurs personnes morales.
Pour le Ministre Christophe Béchu, le vote de cette proposition de loi est une première étape. « Il faudra que les véhicules qui permettent de s’en saisir de manière simple existent : ingénierie, offres de prêts structurées, dispositifs permettant d’accompagner, y compris les régions ou les départements, qui décideraient de les accélérer sur leur territoires« , a-t-il insisté, avant de mettre en perspective le chantier de la « dette verte ». Le ministre souhaite que la Banque des Territoires élabore un outil permettant aux communes de bénéficier d’offres d’ingénierie et de s’assurer de la confiance du tiers-financeur pour porter ces investissements.