La proposition de loi portée par le groupe Renaissance visant à faciliter le tiers-financement des travaux de rénovation énergétique des bâtiments de l’État et des collectivités à titre expérimental pour une durée de cinq ans, a été adoptée à l’Assemblée nationale, ce 22 mars, sans LFI qui s’est abstenue (112 voix pour et 9 abstentions).
Objectif : réduire la consommation énergétique des bâtiments à usage tertiaire de 40% d’ici 2030 en permettant d’investir maintenant et de lisser dans le temps le coût de l’investissement.
Confrontées à un mur d’investissement pour rénover leurs bâtiments, notamment scolaires, et une flambée des factures énergétiques, les collectivités territoriales pourront bientôt se saisir d’un nouvel outil dans le cadre des marchés publics globaux de performance énergétique, à travers le mécanisme du tiers-financement. Désormais, il sera permis, à titre expérimental, de déroger à certaines dispositions du code de la commande publique pour la rénovation de bâtiments. Un tiers, public ou privé, pourra réaliser l’investissement, puis l’État ou la collectivité lui remboursera l’avance et les intérêts, à compter de la date de livraison, ce qui n’est pas possible actuellement. Le remboursement pourra être partiellement financé par les économies d’énergie réalisées par les travaux, d’après Thomas Cazenave, député (Renaissance).
La marche est haute, 40 milliards d’euros pour la rénovation énergétique des écoles, et près de 300 milliards d’euros pour l’ensemble des bâtiments publics. Techniquement, le texte fait sauter un verrou de la commande publique, interdisant entre autres le paiement différé, en créant un dispositif ad hoc, pour les contrats de performance énergétique (CPE) conclus par l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements, sous la forme d’un marché global de performance pour la rénovation d’un ou plusieurs de leurs bâtiments. Ce type d’opération n’était pas possible jusqu’à présent, sauf à recourir aux marchés de partenariat, modalité complexe et contraignante, et donc très peu utilisée à l’appui des CPE.
Plusieurs députés de l’opposition ont souligné leurs inquiétudes face à ce dispositif qui pourrait entrainer des « surcoûts importants », en raison des intérêts à verser, et ont aussi fait part de leurs craintes vis-à-vis de l’endettement des collectivités.
Au Sénat, la rapporteure Eustache-Brinio (LR) a relevé que « le tiers financeur répercutera sur l’acheteur public le coût de son avance de trésorerie ». La Chambre haute a donc en particulier souhaité une plus grande transparence et une meilleure anticipation des conséquences financières des contrats, et ajouté des dispositions en faveur des EPCI ainsi que des syndicats d’énergie.
La veille de l’adoption du texte, la CMP a repris l’essentiel de la version du Sénat, notamment les modalités de suivi de l’expérimentation, en prévoyant un bilan à mi-parcours et en enrichissant l’objet de l’évaluation. Elle prendra notamment en compte l’accès des PME à ces marchés ou l’utilisation du dispositif par les plus petites collectivités. S’agissant du bilan préalable à la passation des contrats, c’est en revanche la version votée par l’Assemblée, qui précise que le recours à un tel contrat doit être « plus favorable » que le recours à d’autres modes de réalisation du projet, notamment en termes de performance énergétique, qui a été retenue. Pour sécuriser davantage les contrats, une disposition a également été ajoutée précisant que la durée d’un marché global de performance passé dans le cadre de l’expérimentation « est déterminée en fonction de la durée d’amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues ». Pour le député Cazenave, il s’agira de s’assurer que « ces contrats pourront être établis sur des durées longues, nécessaires pour l’amortissement de travaux de rénovation les plus ambitieux ». Hasard du calendrier, c’est sous sa casquette de président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation que le député Cazenave a appuyé sur l’urgence à réhabiliter l’emprunt de long terme des collectivités territoriales, lors de sa présentation, ce 21 mars, d’un rapport sur les moyens d’accélérer l’investissement des territoires dans la transition écologique, rédigé à la suite du colloque organisé début février.
Pour le député, si le fonds vert de 2 milliards d’euros débloqué par l’Etat « constitue naturellement le premier outil de politique publique », le levier de l’endettement paraît « le plus pertinent à mobiliser au niveau local », compte tenu des montants d’investissement en jeu.
Selon l’analyse d’I4CE, il manquerait plus de 6,5 milliards d’euros par an au niveau local pour espérer parvenir à « franchir le mur » de la transition écologique. Autrement dit, les collectivités devraient doubler leurs investissements portant sur la rénovation énergétique des bâtiments publics, les tripler dans le domaine des aménagements cyclables et accroître de 50% les dépenses relatives aux transports publics, ferroviaire compris. Or, à la frilosité des décideurs locaux, soucieux de ne pas rompre la dynamique de consolidation budgétaire initiée depuis une dizaine d’années, s’ajoute la réticence des banques à prêter des montants importants sur plus de 25 ans. Le rapport d’I4CE préconise de changer « la doxa » qui encadre le regard sur l’endettement local. Une démarche qui doit s’ancrer sur la mise en place de budgets verts adaptés aux spécificités des collectivités ainsi qu’un outil d’identification de la dette contractée pour atteindre leurs objectifs climatiques. Cette dette verte « serait de nature à être envisagée sous un jour plus favorable par les prêteurs et, sur un plan plus politique, mieux acceptée par les électeurs de la collectivité concernée ».
Ces éléments pourraient même être pris en compte dans une programmation pluriannuelle du financement de la transition écologique, pour laquelle plaide également la délégation.