RÉUTILISER LES EAUX USÉES, UN PAS ENCORE TIMIDE MAIS ATTENDU

La réutilisation des eaux usées traitées progresse lentement en France. Alors que l’Espagne valorise déjà 15 % de ses eaux usées, notre pays n’en réemploie qu’à peine 1 %. Le plan Eau fixe pourtant un cap à atteindre d’ici 2030 : réduire la consommation d’eau et développer la réutilisation jusqu’à 10 % des volumes traités, soit environ 300 millions de mètres cubes par an.

Un nouvel arrêté, publié au Journal officiel du 5 octobre, précise désormais les conditions d’utilisation des eaux usées traitées pour des usages de propreté urbaine. Après l’agriculture et les espaces verts, les communes peuvent envisager l’emploi de ces eaux pour nettoyer la voirie, les quais de déchetterie, les bennes à ordures ou encore les réseaux d’assainissement.

Des usages plus clairement définis

Le texte établit une liste précise d’usages autorisés : nettoyage de voirie avec ou sans balayeuse, entretien des accotements, des ouvrages d’art ou des réseaux, hydrocurage, et opérations sur les installations d’assainissement non collectif.
Certains de ces usages, comme le nettoyage des bennes ou l’hydrocurage des réseaux, pourront être réalisés sans traitement complémentaire des eaux usées, dès lors que la qualité en sortie de station d’épuration est jugée suffisante.

Deux niveaux de qualité sanitaire sont désormais reconnus : A+ et A. Le premier s’impose pour les opérations les plus exposées au contact humain (balayeuse à lance, zones fréquentées) ; le second suffit pour les usages à faible risque. Les exigences sont strictes : absence d’E. coli détectable, turbidité maximale de 5 unités, suivie et mesurée en continu pour les deux niveaux de qualité, et contrôle régulier de la présence de légionelles et de coliphages.

Un encadrement sanitaire très strict

Les communes devront obtenir une autorisation préfectorale avant toute mise en œuvre. Le dossier devra justifier de l’intérêt environnemental du projet, décrire les usages envisagés et présenter une évaluation complète des risques sanitaires et environnementaux.

Chaque projet devra aussi intégrer un programme d’utilisation annuel (volumes, lieux, matériel, calendrier) et un carnet sanitaire numérique, tenu à jour et transmis chaque année au préfet.
En cas de dépassement des seuils de qualité, la distribution doit être immédiatement suspendue.

L’utilisation d’eaux usées reste interdite dans les périmètres de protection rapprochée des captages d’eau potable, sauf exception après avis d’un hydrogéologue agréé. Des panneaux d’information seront obligatoires sur les engins de nettoyage et aux abords des zones concernées afin d’informer le public et de rappeler les règles d’hygiène aux agents.

Des contraintes lourdes pour les petites communes

Si l’arrêté élargit les possibilités d’usage, il maintient un cadre administratif et technique très contraignant. Les analyses devront être hebdomadaires, la turbidité contrôlée en continu et les performances des stations vérifiées tous les deux ans. Le recours à des organismes accrédités est obligatoire pour l’ensemble des analyses.

Ces exigences pèseront particulièrement sur les petites collectivités, qui devront s’appuyer sur leurs syndicats d’assainissement ou leurs intercommunalités pour assurer le suivi réglementaire.

Un cadre plus clair, mais encore peu accessible

Ce nouveau texte offre enfin un cadre lisible à des pratiques que beaucoup de collectivités attendaient. Mais sa mise en œuvre exigera des moyens techniques et humains que toutes n’ont pas. Entre la volonté de réduire la pression sur la ressource et la réalité des procédures, la marche reste haute. À l’heure où chaque litre compte, la sobriété se gagnera sans doute moins dans les textes que dans la capacité des communes à s’emparer de ces outils.

Source : Arrêté du 8 septembre 2025, publié au Journal officiel du 5 octobre 2025.

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