Chaque année, des milliers de personnes sont victimes d’agressions, de cambriolages ou d’actes de vandalisme. Ces phénomènes, qui concernent aussi bien les grandes métropoles que les zones rurales, participent à renforcer un sentiment d’insécurité parmi les citoyens. Ce malaise, amplifié par les inégalités territoriales en termes de moyens de prévention et d’intervention, place la sécurité au centre des préoccupations locales.
Dans ce contexte, la question de la sécurité du quotidien est devenue une priorité pressante, autant pour les habitants que pour les élus locaux. Ces derniers, en première ligne, cherchent des réponses concrètes face aux attentes croissantes de leurs administrés. Pour tenter d’y répondre, le ministère de l’Intérieur a publié, le 19 novembre dernier, une circulaire demandant aux préfets de concevoir, d’ici le 15 janvier 2025, des plans d’action départementaux pour la restauration de la sécurité du quotidien (PADRSQ).
Présentés comme une solution adaptée aux réalités locales, ces plans s’appuient sur une méthodologie centralisée et des outils modernes. Mais derrière cette ambition, des interrogations émergent : ces mesures, pensées au niveau national, sont-elles en phase avec la diversité des territoires ? Et surtout, les moyens déployés seront-ils suffisants pour garantir leur mise en œuvre de manière juste et efficace ?
Les mesures annoncées : une stratégie ciblée mais encore trop centralisée
Les actions qui découlent de ce diagnostic se focalisent sur les zones jugées prioritaires. Elles reposent sur des mesures telles que l’intensification des contrôles, la surveillance accrue des axes stratégiques, ou encore des opérations dites « places nettes », visant à démanteler les « écosystèmes délinquants ». Cependant, ces initiatives, largement orientées vers une réponse policière, laissent en marge des leviers essentiels comme l’implication des acteurs locaux, les associations ou encore les habitants eux-mêmes dans les solutions envisagées. Si elles offrent une réponse immédiate, elles posent une question cruciale : comment garantir leur durabilité ? Faute d’investissements dans des actions structurelles, éducatives et sociales, ces mesures risquent de déplacer les problèmes au lieu de les résoudre durablement, en négligeant les fractures qui en sont souvent à l’origine.
Une collaboration essentielle mais contrainte par la centralisation
La circulaire insiste sur la nécessité d’une coopération étroite avec les maires et les acteurs locaux, considérés comme des partenaires essentiels pour assurer la mise en œuvre efficace des mesures proposées. En particulier, elle propose la signature de nouveaux contrats de sécurité intégrée, conçus pour adapter les dispositifs aux spécificités des territoires. Cependant, si cette volonté de dialogue semble aller dans le bon sens, elle demeure contrainte par une approche trop centralisée. Les élus locaux, en première ligne face aux attentes de leurs administrés, se heurtent souvent à des injonctions descendantes, limitant leur marge de manœuvre. Pour qu’un véritable partenariat s’installe, l’État doit passer d’une logique de contrôle à une logique d’accompagnement, valorisant l’innovation et les initiatives locales.
Parmi les outils privilégiés, la technologie occupe une place centrale. Le déploiement de la vidéoprotection est présenté comme un outil clé pour dissuader les actes délinquants et faciliter leur résolution. Cependant, ces dispositifs posent plusieurs défis majeurs. D’une part, leur coût élevé risque d’exclure les communes les moins dotées, aggravant ainsi les disparités territoriales. D’autre part, les questions éthiques liées à une surveillance accrue de l’espace public soulèvent des inquiétudes légitimes : jusqu’où peut-on aller sans compromettre les libertés individuelles ? Enfin, si la technologie peut compléter les efforts de sécurité, elle ne saurait remplacer la présence humaine sur le terrain, essentielle pour instaurer un véritable sentiment de sécurité.
La prévention sociale, l’oubliée de la stratégie
La prévention sociale, bien qu’évoquée, semble reléguée au second plan dans cette stratégie principalement axée sur des mesures répressives et technologiques. L’insécurité, bien souvent, ne se résume pas à une simple question de contrôle. Elle trouve ses racines dans des fractures sociales plus profondes, que seule une politique d’inclusion ambitieuse peut traiter. Investir dans l’éducation, l’insertion professionnelle ou encore le soutien aux familles en difficulté est indispensable pour répondre durablement aux causes structurelles de la délinquance. Or, ces dimensions, pourtant fondamentales, ne sont guère abordées dans les orientations proposées.
Sur le plan financier, la mise en œuvre des PADRSQ repose sur des investissements importants. Vidéoprotection, renforcement des effectifs de sécurité, ou encore adaptation des infrastructures nécessitent des budgets conséquents. De nombreuses collectivités, notamment dans les zones rurales ou périurbaines, peinent déjà à boucler leurs budgets annuels. Sans un soutien financier renforcé de l’État, ces mesures risquent d’aggraver les écarts entre les territoires et de laisser les communes les plus vulnérables sans solutions efficaces.
L’instabilité des dispositifs : un frein à la continuité
La circulaire prévoit également une révision des dispositifs existants, tels que les Quartiers de Reconquête Républicaine (QRR) ou les Zones de Sécurité Prioritaire (ZSP). Si cette évaluation peut permettre d’ajuster les politiques aux réalités du terrain, elle révèle surtout un problème récurrent : l’instabilité des stratégies de sécurité publique. En multipliant les initiatives sans leur donner le temps de s’installer durablement, l’État fragilise la continuité des actions et érode la confiance des acteurs locaux, pourtant indispensables pour garantir l’efficacité des mesures.
Vers une sécurité durable et équitable
La volonté affichée de restaurer la sécurité du quotidien répond indéniablement à des attentes fortes de la population. Cependant, cette stratégie, trop centralisée et axée sur des solutions immédiates, oublie que la sécurité ne se décrète pas : elle se construit dans le temps, en prenant en compte les spécificités et les besoins de chaque territoire.
Pour réussir, une politique de sécurité doit conjuguer prévention sociale, répression mesurée et soutien pérenne aux collectivités locales. Elle doit garantir que tous les territoires, des grandes métropoles aux zones rurales, disposent des moyens nécessaires pour agir efficacement. À défaut, ces initiatives risquent de renforcer les inégalités territoriales et de laisser les problématiques structurelles sans réponse durable.
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