SIMPLIFIER POUR AGIR : LE SÉNAT À LA MANŒUVRE POUR ALLÉGER LA BUREAUCRATIE LOCALE

Depuis 2020, le Conseil national d’évaluation des normes collabore avec les ministères pour alléger les contraintes réglementaires. Ce travail a permis d’identifier des règles obsolètes, mais leur suppression reste lente.

Le CNEN, initialement créé pour évaluer l’impact des normes sur les collectivités avant leur adoption, se concentre aujourd’hui sur deux axes principaux : limiter la prolifération des normes nouvelles et alléger le « stock » de règles existantes. Malgré des rapports réguliers et des propositions concrètes, les élus locaux soulignent que ses avis restent souvent consultatifs et peinent à influencer directement les décisions gouvernementales.

Face à ce constat, la Délégation aux collectivités territoriales du Sénat souhaite amplifier les efforts du CNEN en multipliant les échanges avec les ministères. Elle propose également d’intégrer les élus locaux dans les discussions pour mieux cerner leurs besoins et rendre les démarches plus opérationnelles.

Une initiative clé serait d’élargir les pouvoirs du CNEN pour qu’il puisse proposer directement des suppressions de normes inutiles. Une autre piste envisagée est l’obligation pour les ministères de compenser chaque nouvelle norme par la suppression d’une ancienne, afin d’éviter un alourdissement supplémentaire des contraintes.

Par ailleurs, les 2.600 contributions recueillies lors de la consultation de fin 2024 seront analysées pour nourrir les travaux du CNEN. Ces retours permettront d’identifier les secteurs les plus concernés, notamment l’urbanisme, l’environnement et les marchés publics, où les normes sont souvent jugées disproportionnées. Cette accélération des travaux est perçue comme essentielle par les élus, qui souhaitent débloquer des projets locaux paralysés depuis des années.

La commande publique reste un défi majeur pour les collectivités. Les règles actuelles, jugées trop complexes, excluent souvent les artisans locaux et allongent considérablement les délais de mise en œuvre des projets. Une mission, annoncée par la Délégation, devra proposer des solutions concrètes pour simplifier ces procédures.

Cette mission devra s’attaquer à plusieurs problématiques identifiées : la lourdeur des cahiers des charges, qui découragent les petites entreprises ; le manque d’accompagnement des collectivités dans les étapes administratives ; et les délais souvent trop longs pour les appels d’offres. Ces facteurs limitent la concurrence, augmentent les coûts et ralentissent la mise en œuvre des projets, en particulier dans les zones rurales. Parmi les pistes évoquées, une adaptation inspirée des assouplissements adoptés lors de la restauration de Notre-Dame de Paris pourrait permettre de réduire les coûts et de mieux intégrer les acteurs locaux.

En s’appuyant sur les recommandations issues des consultations locales, la Délégation souhaite également promouvoir une meilleure accessibilité pour les petites entreprises artisanales aux marchés publics. Cela pourrait passer par une simplification des critères de sélection ou par la mise en place de guichets uniques dédiés à l’accompagnement des candidats. L’enjeu est de garantir un équilibre entre rigueur administrative et pragmatisme pour permettre une exécution plus rapide des projets d’intérêt local.

Le statut des élus locaux, déjà débattu et voté par le Sénat, est au cœur des préoccupations. Cependant, les élus attendent des mesures concrètes pour rendre cet engagement plus attractif et moins contraignant. Parmi les avancées discutées figure l’amélioration des indemnités de fonction, la garantie d’une meilleure protection sociale et l’accès à des formations pour accompagner les élus dans leurs missions. Ces propositions, votées par le Sénat en mars dernier, doivent encore trouver leur application pratique dans les collectivités.

La Délégation appelle à une mise en œuvre rapide des avancées adoptées et insiste sur l’importance de rendre le mandat d’élu compatible avec une vie professionnelle et personnelle équilibrée. L’objectif est clair : encourager les citoyens, en particulier les jeunes et les femmes, à s’engager dans la vie publique, tout en prévenant les risques de désengagement liés à des contraintes trop lourdes.

Concernant la gestion territoriale, le transfert obligatoire des compétences en matière d’eau et d’assainissement, prévu pour janvier 2026, suscite de nombreuses oppositions. La Délégation propose de revoir cette obligation afin de permettre une adaptation aux spécificités locales, une mesure largement plébiscitée par les élus de terrain.

Introduit en 2020, le pouvoir de dérogation des préfets reste sous-exploité, avec une moyenne d’une seule dérogation par département et par an. Pour y remédier, la Délégation prévoit de clarifier les orientations à transmettre aux préfets et de promouvoir une utilisation plus ambitieuse de cet outil, en particulier dans des domaines tels que l’urbanisme. Ces ajustements seront discutés lors des Assises de la simplification prévues en avril 2025.

Les collectivités subissent depuis plusieurs années les conséquences de compensations fiscales insuffisantes. La Délégation a annoncé une évaluation approfondie des pertes financières liées aux exonérations de taxes, notamment la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Ce travail vise à documenter précisément les écarts et à exiger des compensations équitables de la part de l’État.

Les enjeux de la transition écologique, incarnés par le zéro artificialisation nette, et ceux liés à la révolution numérique, notamment l’intégration de l’intelligence artificielle, figurent également parmi les priorités. La consultation de fin 2024, qui a recueilli plus de 2.600 contributions d’élus locaux, fournira une base solide pour ces travaux.

Pour les collectivités, ces initiatives représentent une chance de surmonter des blocages structurels, mais leur efficacité dépendra de la capacité des décideurs à les traduire en actions concrètes. La simplification normative pourrait permettre de relancer des projets paralysés depuis des années, tandis que les ajustements fiscaux offrent l’espoir d’un rééquilibrage des finances locales, trop souvent fragilisées par des compensations insuffisantes.

Cependant, ces promesses ne deviendront réalité que si les outils annoncés sont adaptés aux spécificités des territoires. Les élus devront se montrer vigilants, tout en participant activement à la mise en œuvre de ces réformes. L’engagement de la Délégation dans ce processus reflète une volonté d’avancer avec pragmatisme et ambition, mais les collectivités devront s’assurer que les résultats répondent réellement à leurs attentes et à celles des administrés.

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