Fin mai, la Direction Générale des Collectivités Territoriales a publié un guide de questions-réponses consacré à la prévention des conflits d’intérêts. Un document, élaboré en collaboration avec les associations d’élu.es, qui s’avère extrêmement utile.
Curieusement, la DGCL n’a pas choisi de mettre ce document en évidence sur le portail des collectivités locales, et n’a pas non plus communiqué officiellement sur sa publication. Il faut donc chercher un peu pour trouver cette foire aux questions (FAQ), dissimulée au fin fond de la rubrique « Institutions/Élus locaux ».
Cependant, l’essentiel est que ce guide de 13 pages, rédigé de manière pédagogique, soit désormais disponible.
Ce document vise à clarifier les nouvelles dispositions issues de la loi 3DS du 21 février 2022 en matière de prévention des conflits d’intérêts. Le but principal est de clarifier que le fait qu’un.e élu.e soit désigné.e conformément à la loi pour représenter sa collectivité ou son groupement au sein de l’organe décisionnel d’une autre entité ne signifie pas automatiquement qu’il ou elle est intéressé.e par l’affaire lorsque sa collectivité délibère sur une question concernant cette entité.
Règles de déport :
Cette disposition a déjà fait l’objet d’une précision utile de la part de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). En effet, la HATVP s’est notamment penchée sur les règles de déport, c’est-à-dire les situations dans lesquelles un.e élu.e ne doit pas prendre part à une délibération et doit même quitter la salle en raison d’un potentiel conflit d’intérêts.
Ces dispositions découlent de l’article 217 de la loi 3DS, qui a été rédigé dans le but, souligne la DGCL, « d’assurer un équilibre entre les attentes citoyennes en matière de probité et d’impartialité des élus locaux et l’exercice opérationnel de leurs responsabilités politiques ».
L’élément essentiel de ces dispositions est que si un.e élu.e participe, conformément à la loi, à un organe décisionnel d’une autre structure (office HLM, hôpital, etc.) et que sa collectivité délibère sur cette structure, il n’est a priori pas considéré en situation de conflit d’intérêts. La loi prévoit toutefois certaines exceptions à cette règle, détaillées dans la FAQ, mais le principe général demeure.
D’autres règles ont été établies par la loi 3DS, notamment celle-ci : si un.e élu.e se déporte, il n’est pas pris en compte dans le calcul du quorum pour les délibérations du conseil municipal. Cette règle s’applique également aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et aux syndicats mixtes fermés, mais pas aux départements et aux régions.
« En application de la loi » :
L’une des difficultés d’interprétation de ce texte résidait dans la compréhension de l’expression « en application de la loi » et dans quels cas un.e élu.e participe aux organes décisionnels « d’une autre personne morale en application de la loi ».
La FAQ répond de manière précise à cette question et rappelle que le législateur a préféré cette formulation, qui peut sembler vague, à une liste qui poserait des problèmes d’exhaustivité, de mise à jour et de lisibilité. La FAQ fournit néanmoins plusieurs exemples d’organismes auxquels l’élu.e doit participer « en application de la loi » et qui entrent donc dans le champ d’application de ces dispositions, tels que les régies dotées de l’autonomie financière et de la personnalité morale, les établissements publics locaux d’enseignement, les établissements publics de santé, les missions locales, les agences d’urbanisme, les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), et la liste est encore longue.
Il convient de rappeler que ces règles ne s’appliquent pas si l’élu.e a un « intérêt personnel » dans l’organisme concerné, par exemple s’il y travaille tout simplement. Dans ce cas, il est obligé de se déporter lors des délibérations de sa commune sur cet organisme. Pour résumer : si un maire siège au conseil d’administration d’un hôpital et que la commune délibère sur cet hôpital, le maire n’est pas en situation de conflit d’intérêts et peut participer aux délibérations. Cependant, s’il exerce également en tant que médecin au sein de cet hôpital, il ne peut pas prendre part aux délibérations et doit se déporter.
Exceptions et cas pratiques :
Une autre exception prévue par la loi 3DS est que le déport reste obligatoire, même lorsque l’élu.e participe à l’organe décisionnel d’une structure « en application de la loi », lorsque la délibération concerne un contrat de la commande publique, une garantie d’emprunt ou un certain nombre d’aides. Comme la loi ne précise pas clairement le type d’aides concernées, la FAQ le fait : l’élu.e doit se déporter lorsque sa collectivité délibère sur des prestations de service, des subventions, des bonifications d’intérêt, des rabais sur le prix de vente, de location et de location-vente de terrains ou de bâtiments, etc.
Toutefois, ces règles de déport ne s’appliquent pas aux caisses des écoles, aux centres communaux d’action sociale (CCAS) et aux centres intercommunaux d’action sociale (CIAS) : « Le législateur a considéré que la convergence des intérêts entre ces entités et la collectivité justifiait un assouplissement des règles de déport ».
La FAQ rappelle également les modalités du déport : faut-il obligatoirement quitter la salle ? Comment s’organise le déport lors d’une réunion en visioconférence ? Comment se pose la question du quorum ?
Enfin, elle aborde les dispositions de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire concernant la prise illégale d’intérêts. Cette loi précise que la prise illégale d’intérêts est sanctionnée non plus pour la prise d’un « intérêt quelconque », mais pour la prise d’un intérêt « de nature à compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité » de la personne.
Les dernières pages de ce document présentent un certain nombre de cas pratiques qui complètent utilement ces explications, faisant de ce document un outil indispensable pour comprendre ces dispositions assez complexes, mais qui finalement protègent les élu.es.
Il convient de souligner que la densité de cette FAQ reflète la complexité de la loi 3DS du 21 février 2022, souvent qualifiée d' »usine à gaz ».
Bien que ce document soit utile, nous sommes encore loin d’atteindre l’engagement pris par le gouvernement en matière de simplification des normes applicables aux collectivités locales…