UN RAPPORT, DES CHIFFRES, DES VISAGES : LE BILAN DE L’EXPÉRIENCE TZCLD

Quatre mille personnes sorties du chômage de longue durée, 83 territoires mobilisés, 92 entreprises à but d’emploi créées… Le comité scientifique mandaté pour évaluer l’expérimentation « Territoires Zéro Chômeur de Longue Durée » (TZCLD) a rendu en septembre son rapport final. Ce document de plus de 400 pages dresse un constat nuancé : l’impact social et territorial est indéniable, mais le modèle reste fragile sur le plan financier.

Un impact social massif

L’évaluation s’appuie sur des données inédites, collectées depuis 2021 auprès de milliers de participants. Le constat est sans appel : dans les deux ans suivant une embauche en entreprise à but d’emploi, le taux d’accès à l’emploi progresse de +74 points par rapport à un groupe témoin. Les salarié·es voient leur revenu bondir d’environ 1.000 euros par mois en moyenne, gagnent en stabilité et en dignité, et sortent durablement de l’isolement.

Le rapport montre aussi que TZCLD touche un public différent des autres dispositifs d’insertion : des personnes plus âgées (45 ans en moyenne, contre 36 ans dans les structures d’insertion classiques), une majorité de femmes, une surreprésentation des personnes en situation de handicap, et souvent des habitants sans solution de mobilité. Autant de profils que le marché du travail ignore, mais qui retrouvent ici une place.

Des territoires transformés

Au-delà des individus, l’expérimentation génère des dynamiques locales inédites. Les comités Locaux pour l’Emploi rassemblent élus, associations, service public de l’emploi et acteurs de l’économie sociale et solidaire. À l’échelle d’un quartier ou d’un bourg, ces partenariats produisent des solutions sur mesure : conciergerie, recyclerie, maraîchage, couture, services aux habitants…

Le rapport insiste sur l’importance de ce temps long de co-construction, qui tranche avec des logiques descendantes souvent jugées déconnectées des réalités. Pour les communes, cela signifie aussi un investissement considérable : financement de l’ingénierie de projet, mobilisation politique, mise à disposition de locaux.

Dans le Finistère, Saint-Thégonnec Loc-Éguiner en est l’illustration. Habilitée en juin 2023, l’entreprise à but d’emploi Nevez Amzer a déjà recruté 45 salarié·es issus de la privation durable d’emploi (données actualisées au 22 septembre 2025). Ces embauches concernent la blanchisserie, la couture, le maraîchage, la conciergerie, la recyclerie ou encore l’atelier bois. Pour la commune, c’est la démonstration qu’un territoire rural peut redonner du travail là où le marché avait déserté.

Une équation budgétaire fragile

Le rapport scientifique insiste sur un point sensible : le dispositif n’est pas neutre financièrement. Un emploi en entreprise à but d’emploi coûte environ 26.600 euros par an, financés par l’État et les départements, auxquels peut s’ajouter une dotation unique de 6.200 euros lors de la création du poste. En face, les économies sur les allocations (RSA, chômage, AAH) et les recettes nouvelles (cotisations, impôts, TVA) représentent entre 12.900 et 15.300 euros par emploi et par an. Bilan : le coût net est estimé entre 11.300 et 13.700 euros par équivalent temps plein et par an.

À court terme, l’emploi en EBE revient donc plus cher que le maintien au chômage. Mais les chercheurs soulignent que ce calcul reste incomplet : il ne prend pas en compte les effets durables sur la santé, la cohésion sociale, la stabilité familiale ou encore la dynamique économique locale. Autant d’éléments qui, pour les élus et les habitants, comptent au moins autant que la ligne budgétaire.

Les entreprises à but d’emploi apparaissent en revanche comme des structures fragiles. Obligées d’inventer des activités utiles sans concurrencer l’existant, de jongler avec peu de ressources propres et de répondre aux attentes multiples de leurs salariés, elles avancent en équilibre instable. Certains directeurs, souligne le rapport, se retrouvent même proches de l’épuisement.

Pérenniser et cibler

Au terme de deux ans de travaux, le comité scientifique appelle à pérenniser l’expérimentation, mais en la réorientant :

  • réserver l’accès aux publics les plus éloignés de l’emploi, comme solution de dernier recours ;

  • cibler les territoires les plus vulnérables, avec une dotation de lancement pour réduire les inégalités ;

  • mieux articuler TZCLD avec France Travail et les autres dispositifs d’insertion ;

  • simplifier des procédures d’habilitation jugées trop lourdes pour les collectivités.

Et maintenant ?

Le contraste est saisissant : dans les territoires, les résultats sont là ; à Paris, le gouvernement continue de temporiser, brandissant l’argument du coût. Pourtant, le rapport confirme que TZCLD n’est ni marginal ni symbolique : c’est une politique publique qui change la vie des personnes et redessine le rôle des collectivités.

À Saint-Thégonnec comme ailleurs, l’expérience rappelle une évidence : quand les communes s’emparent du droit à l’emploi, le chômage de longue durée recule. L’évaluation scientifique ne laisse plus de doute. La question est désormais politique : choisir d’assumer ce coût comme un investissement, ou continuer à hésiter, au risque de laisser retomber l’élan des territoires.

Pour aller plus loin : le rapport complet du comité scientifique est disponible en format feuilletable. Vous pouvez le consulter directement ici.

Rapport TZCLD

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