Négociations commerciales : la loi Descrozaille adoptée par le Parlement

Après plusieurs mois de débats, La proposition de loi portée par le député Renaissance Frédéric Descrozaille a été définitivement adoptée à l’unanimité ce mercredi 22 mars à l’Assemblée nationale. Le texte issu de la CMP qui s’est réunie le 15 mars dernier comprend plusieurs modifications apportées par les sénateurs, dont : l’encadrement des promotions sur les produits non alimentaires ; la non-négociabilité des matières premières agricoles dans les produits vendus sous marque de distributeur ; le raccourcissement de 2026 à 2025 de la prolongation de l’expérimentation de l’encadrement du seuil de vente à perte, qui arrive à échéance en avril et l’exclusion de la filière des fruits et légumes de ce dernier dispositif. Sauf que les grands perdants pourraient être les distributeurs… et les consommateurs.

Le coût de la matière première agricole (viande, lait, etc.) ne pourra plus faire l’objet de négociations pour les produits de marque distributeur, propriétés des supermarchés (Reflets de France, Marque Repère, marque U par exemple). C’était déjà le cas depuis 2021 pour les marques dites nationales (Danone, Bonduelle, Fleury Michon…). L’objectif est de protéger la rémunération des agriculteurs qui faisait bien souvent figure de variable d’ajustement des négociations entre supermarchés et industriels.

Pour rappel, chaque année, du 1er décembre au 1 mars, les enseignes achètent leurs produits à des prix fixés à l’issue de négociations souvent tendues avec ceux qui les produisent. Jusqu’ici, en cas d’échec de ces tractations, les prix de l’année précédente s’imposaient, peu importe l’évolution des coûts de production. Pour Frédéric Descrozaille, la grande distribution jouait trop souvent la montre, forçant les industriels à accepter des baisses de prix dans les derniers jours des négociations.

Désormais, ce sont les fournisseurs qui vont avoir la main lors des négociations commerciales, sauf que du côté des distributeurs, la pilule a du mal à passer, comme par exemple l’article 3, qui permet aux fournisseurs d’arrêter de livrer la grande distribution en l’absence d’accord sur les prix au 1er mars. Les fournisseurs pourront interrompre leurs livraisons ou appliquer un préavis de rupture « classique », durant lequel le tarif appliqué devra tenir compte des conditions du marché, comme l’inflation. Pour les distributeurs, ce sera donc à prendre ou à laisser. Un médiateur pourra intervenir pour faciliter les accords, mais les industriels auront toujours le dernier mot.

Les distributeurs prédisent par cette disposition des hausses importantes de prix dans les rayons. Système U estime que la réforme de la procédure en vigueur en cas de non-accord pourrait faire grimper les tarifs de 30% sur le panier moyen et, par conséquent, l’intérêt des industriels à ne pas se mettre d’accord avec les distributeurs pour que leur demande d’augmentation de prix aboutisse.

Pour les associations de consommateurs, qui demandaient la suspension pour tous les produits alimentaires de l’encadrement du « seuil de revente à perte », cette mesure oblige les supermarchés à vendre les produits alimentaires au moins 10% plus cher que le prix auquel ils les ont achetés.

Autre point de tension, l’encadrement des promotions sur les produits d’hygiène et de beauté. Les parlementaires ont décidé qu’il resterait plafonné à 34% et se sont entendus sur un report de la date d’application au 1er mars 2024. Un plafonnement jugé « irresponsable et inflationniste » par la fédération patronale de la grande distribution. Cette mesure va  peser sur le pouvoir d’achat des consommateurs qui achètent bien souvent ces produits lors d’opérations promotionnelles, profitant de remises largement supérieures à 34%.

Du côté des distributeurs, sur son blog, Michel-Édouard Leclerc s’est insurgé « Le consommateur va être encore une fois pénalisé : ces produits (lessive, poudre à récurer, déodorant, pastilles pour le lave-vaisselle, shampoing, peignes, et autres bigoudis) comptent parmi les plus chers dans le panier d’achat des clients ».

Suite à cette publication, la réaction du député Descrozaille ne s’est pas fait attendre : « Il faut qu’il arrête de faire croire à tout le monde qu’il est élu par les consommateurs, car les gens ne savent pas que quand ils sortent d’un magasin Leclerc avec une remise de 5 euros, ce n’est pas la générosité de Leclerc : ça a été payé par les fournisseurs ».

Autre disposition décriée par les grandes enseignes, soumettre à la réglementation française les contrats négociés entre les fournisseurs et les enseignes via les centrales d’achats qu’ils ont basées à l’étranger, dès lors que les produits sont vendus en France pour lutter contre « l’évasion juridique » à l’international.

Pour terminer, les industriels, eux, ont accueilli la nouvelle avec enthousiasme. La proximité du député Descrozaille avec ces derniers, aura d’ailleurs été fustigée par les distributeurs en raison de sa position, par le passé, de dirigeant d’Interfel, (le syndicat des fruits et légumes frais).

Si les futures négociations entre distributeurs et fournisseurs vont être considérablement modifiées, elles ne seront certainement pas apaisées.

 

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