Alors que les dernières données récoltées par l’AMF révèlent un inquiétant découragement des élu.es face aux difficultés, lundi 3 avril, le Président de l’AMF s’alarmait en expliquant que « les démissions d’élus locaux atteignent un niveau jamais vu, sur fond de crise civique, de découragement, voire de tentative d’intimidation » indiquant que « la cote d’alerte était atteinte » .
C’est lors d’une interview en début de semaine dans Le Figaro, que le président de l’AMF, David Lisnard, a lancé l’alerte sur les démissions d’élus locaux. Interrogé sur les chiffres dont dispose l’AMF, il a indiqué : « En attendant des chiffres consolidés, on peut déjà affirmer que sur un cinquième des associations départementales de l’AMF, ces démissions ont concerné 238 maires, 773 adjoints et 2 976 élus municipaux, soit près de 4 000 élus démissionnaires depuis le début du mandat en 2020. Le seuil des 1000 démissions de maires a déjà été franchi, avec une tendance plus rapide encore que pendant le précédent mandat durant lequel les départs avaient déjà doublé ».
Pour David Lisnard, les hypothèses pouvant expliquer ce phénomène sont : « La difficulté de concilier la fonction de maire avec un métier, l’inflation normative et le casse-tête bureaucratique , mais aussi la hausse des incivilités, les attaques sur les réseaux sociaux , les tentatives de dénigrement et l’exaspérant paternalisme d’État ».
Ce mercredi, au Sénat, lors de la séance de questions au gouvernement, deux sénateurs sont revenus sur cette question.
Le sénateur Menonville (indépendant, Meuse) a repris les chiffres de l’AMF, en les complétant par ceux qu’il a constatés dans son département : « Dans la Meuse, on recense la démission de dix maires, 64 adjoints et 207 conseillers ». Le sénateur a demandé au gouvernement, « trois ans avant les prochaines élections municipales », ce qu’il envisageait pour « restaurer l’attractivité de cet engagement ».
« Nous avons commencé à travailler avec l’AMF. Les maires sont les fantassins de la République, nous devons mieux les accompagner »
Cette première réponse apportée par le ministre Béchu, bien loin d’être suffisante, n’a évidemment pas su convaincre. Mais la suite est plus surprenante ! En effet, il reconnait que la barre de 1 000 démissions de maires a bien été franchie, puisque « 1 293 maires ont démissionné depuis 2020 « , tout en cherchant à relativiser la situation : « Il faut toujours se méfier des chiffres. Entre 2014 et 2020 il y avait eu 2 925 démissions. Ce qui représente une moyenne de 40 démissions par mois. Cette moyenne est comparable à celle que l’on connaît actuellement » a-t-il indiqué, n’hésitant pas à mettre en cause, du moins en partie, les difficultés du début de mandat liées au COVID-19.
Les chiffres annoncés sont exacts, la moyenne mensuelle des démissions de maires sur le mandat 2014/2020 était de 40,6, et sur le mandat actuel de 38,2. La tendance est donc bien la même. Mais il ne fait aucun doute que l’accélération des démissions de maires a débuté pendant le mandat précédent.
D’ailleurs, si on compare avec le mandat 2008/2014, on s’aperçoit à quel point la situation se gâte ! En 2020, lors d’une réponse ministérielle publiée par le Sénat, le ministère de l’Intérieur avait comptabilisé, sur l’ensemble du mandat, seulement 717 démissions de maires, soit 9,9 par mois…Passer d’une dizaine de démissions par mois à une quarantaine, soit quatre fois plus, ne peut qu’interpeller !
Lors de cette séance de questions au gouvernement, la ministre chargée des Collectivités territoriales qui semblait plus préoccupée que son ministre de tutelle, lors de sa réponse à la sénatrice Del Fabro (LR, Meurthe-et-Moselle), a évoqué un « mal profond » auquel elle « ne se résout pas ».
La sénatrice de la Meurthe-et-Moselle s’est dit désolée de ce phénomène des maires qui « raccrochent leur écharpe : Animateurs de leur équipe municipale, employeurs, garants des deniers publics, gestionnaires de classes : ils jettent l’éponge face à tant de missions et à l’inflation législative. Les maires aspirent à plus de liberté et moins de contraintes. Qu’allez-vous faire pour y remédier ? »
Dominique Faure, après avoir évoqué « le bonheur d’être maire », ne veut pas « nier la lassitude des élus ». Elle estime que le phénomène va au-delà de la question « des dispositions statutaires » et a affirmé rencontrer les maires démissionnaires « pour essayer de comprendre les causes de ce mal profond ».
D’après la ministre, des « propositions » vont être faites les prochaines semaines, « en vue de bâtir une feuille de route commune sur la place de l’élu local au sein de notre République ».
Actuellement, une mission sénatoriale, dirigée par le sénateur Darnaud (LR, Ardèche) est en cours. Cette mission est chargée d’aller à la rencontre des édiles pour tenter « d’observer au plus près leurs difficultés » a pour objectif d’instaurer « des préconisations afin de redonner du souffle aux communes » et d’éviter « une crise des vocations ». Les conclusions de cette mission doivent être rendues début juillet.
Espérons que la ministre n’attende pas le début de l’été pour annoncer ses propositions vu l’urgence de la situation…