Jeudi 4 mai, la proposition de loi visant à « protéger EDF d’un démembrement » est revenue à l’Assemblée nationale en seconde lecture, où elle a été largement adoptée, une fois encore contre l’avis du gouvernement. L’accès aux tarifs réglementés a été élargi à la plupart des communes.
Mauvaise journée décidément pour le gouvernement, qui aura vu deux textes importants adoptés contre sa volonté, prouvant une fois de plus la difficulté de gouverner avec une majorité relative. Malgré les plaidoyers du ministre de l’Industrie, l’opposition a non seulement adopté le texte mais l’a enrichi.
Il s’agit d’une proposition de loi adoptée en première lecture par l’Assemblée et par le Sénat, qui revenait donc pour la seconde lecture. L’essentiel du texte est consacré au groupe EDF, dont les auteurs de la proposition souhaitaient initialement graver dans le marbre le caractère public et « indivisible ». Le passage au Sénat a en partie édulcoré ce texte, mais il subsiste un article gravant dans la loi le fait que « 100 % » du capital de l’électricien doivent être détenus par l’État.
Le texte fixe également les missions d’EDF : « Le groupe Électricité de France assure notamment la production, le transport dans les zones non interconnectées, la distribution, la commercialisation, l’importation et l’exportation d’électricité, le développement, la construction, l’exploitation et la maintenance des sources d’énergie hydraulique, nucléaire, renouvelable et thermique et la prestation de services énergétiques. » Une façon, pour les députés favorables à ce texte, d’interdire à l’avenir les projets de restructuration de type « Hercule », auquel le gouvernement a pourtant renoncé.
Pour la majorité, le fait de lister ainsi les missions d’EDF va « brider EDF dans son activité » selon le député Cazeneuve (Renaissance). Cette rédaction a pourtant été adoptée.
Une grande partie du débat a porté sur l’accès aux TRV, les tarifs réglementés de vente de l’électricité. Le texte adopté par le Sénat et représenté à l’Assemblée nationale vise à faire sauter le plafond des 36 kVA (kilovoltampères) : jusqu’à présent, les TRV sont strictement réservés aux sites souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kVA. Ce qui, pour l’opposition, prive un grand nombre de petites entreprises de ces tarifs réglementés, en particulier les boulangeries, dont les fours nécessitent souvent une puissance supérieure.
De nombreux députés ont pris la parole pour défendre les boulangers qui ont vu leurs factures exploser et « trop souvent contraints de mettre la clé sous la porte ». Un argument vivement rejeté par Roland Lescure, pour le gouvernement, qui a affirmé qu’il y a eu « plus de boulangeries qui ont ouvert que fermé en 2022 : six boulangeries ferment chaque jour en France, mais sept ouvrent ». La majorité a pourtant tenté bec et ongles de défendre le « bouclier tarifaire », jugé « bien plus protecteur » que les TRV. Ce qui lui a valu une charge de Fabien Roussel (PCF) : « Votre bouclier énergétique est un bouclier en carton, une passoire ! En outre, c’est un millefeuille bureaucratique qui contraint les artisans et les commerçants à remplir des papiers pendant des heures, ne serait-ce que pour espérer avoir droit à quelques centaines d’euros d’aides. Vous êtes très loin du compte ! ».
La suppression du plafond des 36 kVA a donc été voté, ouvrant les TRV à toutes les PME, et, par extension, à toutes les petites collectivités, puisque les TRV sont ouverts aux consommateurs « non domestiques qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d’affaires, les recettes ou le total de bilan annuels n’excèdent pas 2 millions d’euros ».
Les députés sont toutefois allés plus loin en étendant les TRV à toutes les communes et EPCI de moins de 50 000 habitants.
C’est un amendement du groupe LR qui a permis cette avancée, visant à ajouter à la liste des consommateurs ayant droit aux TRV « les collectivités et établissements publics de coopération intercommunale de moins de 50 000 habitants », sans condition d’effectifs ni de recettes de fonctionnement cette fois, « afin de pouvoir (leur) permettre de continuer à faire fonctionner leurs services publics essentiels, sans répercuter la hausse des coûts de l’énergie auprès des usagers et des contribuables locaux ».
Cet amendement, là encore malgré l’avis totalement opposé du gouvernement, a été voté par les oppositions, qui ont demandé à ce dernier d’entendre « les alertes des maires et des élus locaux ». Et ce n’est, pour beaucoup de députés, « qu’un premier pas », puisque Sébastien Jumel (PCF) demande l’extension des TRV « à l’ensemble des collectivités » tout comme le député LR Ian Boucard : La semaine prochaine, dans le cadre d’une autre proposition de loi, celui-ci défendra « un amendement tendant à étendre le bouclier tarifaire à l’ensemble des collectivités territoriales – conseils départementaux, conseils régionaux, mais aussi communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) –, quelle que soit leur taille ».
Le texte ainsi amendé a été adopté par 127 voix contre 89, et l’opposition dit espérer maintenant un vote conforme du Sénat, en juin ou juillet.
Cette extension des TRV à un nombre bien plus important de communes (celles de moins de 50 000 habitants) représentent environ 99 % du nombre total de communes. C’est une demande importante de l’AMF depuis le début de la crise énergétique. Il s’agit donc d’une excellente nouvelle pour les collectivités.