Santé : le Conseil National de la Refondation appelle à déployer des « solutions territoriales »

Le 3 mai dernier, le ministre de la Santé et de la prévention, François Braun a dressé le bilan et les perspectives de sa « feuille de route » pour lutter contre les inégalités d’accès à la santé. Pour cela, 250 réunions territoriales se sont tenues en sept mois et ont rassemblé 10 000 participants.

Pour le ministre « L’avenir est dans la coopération : entre médecins et soignants, entre ville et hôpital, entre soignants et personnels administratifs ».

François Braun souhaite ainsi que « les CNR territoriaux soient le lieu où les coopérations de toute nature trouvent du soutien », en particulier sur l’exercice coordonné et pluriprofessionnel jugé nécessaire pour répondre à la fois « aux carences observées dans l’accès aux soins » et « aux aspirations des soignants eux-mêmes ». Le ministre  qui a salué « la réussite des maisons de santé pluriprofessionnelles » (MSP) a présenté son plan d’action à l’été 2023.  Créer 450 nouvelles maisons de santé pluriprofessionnelle (MSP) par an et atteindre 4000 MSP d’ici 2026 (leviers étudiés : MSP à 1 médecin, MSP spécialisées, MSP comme structure lieux de stage, nouvelle offre d’accompagnement de projets, amélioration de la qualité des MSP).

Cette évolution va de pair avec le déploiement de nouveaux métiers : les infirmiers en pratique avancée, les assistants médicaux. L’objectif est d’atteindre le chiffre de 10.000 d’ici fin 2024 et les assistants dentaires de niveau 2.  « Un cadre plus souple pour avancer dans les territoires » selon le ministre,  avec la proposition de loi sur l’accès aux soins de la députée Rist (Renaissance) qui devrait être définitivement adoptée le 10 mai prochain.

Des discussions parlementaires pourraient embrayer assez vite sur la proposition de loi (PPL) visant à « améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels », portée par le député Valletoux (Horizons) et mise en avant par la Première ministre lors de la présentation de sa feuille de route des « 100 jours à venir ». Ce texte prévoit notamment le rattachement de tous les professionnels de santé aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et l’interdiction de l’intérim pour les professionnels médicaux et paramédicaux en début de carrière. Des objectifs qui rejoignent complètement ceux de François Braun, qui dit voir dans cette PPL « la pérennisation très concrète de cette démarche portée par les CNR territoriaux ».

La pérennisation des CNR territoriaux dans tous les départements et la poursuite des discussions entre les acteurs doivent aussi favoriser l’attribution d’un médecin traitant à chaque personne atteinte d’une affection longue durée, selon le ministre, il s’agit actuellement de « la plus grosse opération d’aller-vers ces concitoyens qui sont loin du soin depuis la crise sanitaire Covid ». À cet effet,  un plan d’action sera mis en place d’ici fin mai 2023. L’objectif est de faire le dernier kilomètre jusqu’au patient et répondre aux besoins de santé des Français dans les territoires les plus reculés, en lien avec Dominique Faure, Ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales (leviers étudiés : déploiement à une large échelle des solutions mobiles de santé type « médicobus », un cabinet médical mobile se déplace dans les communes où les médecins généralistes se font rares).

L’enjeu est donc d’accélérer sur la médiation en santé, alors que 20% des Français sont identifiés par le ministère comme « éloignés de notre système de santé ». 

Autre sujet d’importance pour les collectifs locaux : la création d’un guichet unique dédié à l’installation des médecins. À l’instar de Présence médicale 64, un dispositif créé en 2019 par le département des Pyrénées-Atlantiques avec l’ARS pour accueillir et accompagner les internes et les médecins généralistes sur le territoire ; la démarche a été présentée le 3 mai 2023 comme un projet territorial emblématique du CNR Santé.

En tout, une centaine de projets « opérationnels » auraient émergé ou auraient été mis en lumière dans le cadre des concertations, et le ministre de la Santé entend les valoriser et les diffuser à travers une « boîte à outils de solutions territoriales ». Concrètement, cette boîte à outils devrait se matérialiser par des supports en ligne, des fiches sur les projets mais également des formations sur les méthodes de concertation pour « prolonger cet esprit du CNR ».       

Aux efforts territoriaux, doivent répondre des mesures portées nationalement dans le cadre de la feuille de route du ministre, en particulier sur les parcours de soins.

Sur les services d’urgences, le ministre porte l’ambition de généraliser le service d’accès aux soins (SAS) dans tous les départements d’ici la fin de l’année 2023. L’objectif est de désengorger les services d’urgences d’ici fin 2024, comme s’y est engagé Emmanuel Macron. Il faut qu’à toute heure de la journée ou de la nuit, chaque Français puisse être orienté vers une réponse adaptée à son besoin de soin non programmé. Une mission d’accompagnement à cette généralisation des SAS vient d’être lancée. Le maximum de SAS doit être déployé d’ici l’été, et tous d’ici la fin de l’année. « Yes we can », a affirmé le ministre de la Santé, précisant qu’ »aujourd’hui, un peu plus de 50% de la population de notre territoire est couverte par le service d’accès aux soins ». Cela passera  par des moyens supplémentaires pour former et recruter des assistants de régulation médicale, activité « devenue une profession de santé à la faveur de la loi Rist » par une campagne de communication et l’ouverture de nouveaux centres de formation. Les efforts entamés pour mieux valoriser le métier d’assistant de régulation médicale, profession de santé à la faveur de la loi Rist, seront poursuivis. Toute la chaîne des soins non programmés doit être également soutenue, avec les mesures prévues par le règlement arbitral pour la rémunération des médecins régulateurs et des effecteurs libéraux. Les bonnes pratiques de gestion des lits devront être étendues systématiquement à l’échelon territorial, et en impliquant toujours établissements publics et privés.

« Il nous faut un contrat clair dans les territoires sur la permanence des soins dans les établissements de santé », a affirmé François Braun. Sur la base d’un rapport Igas qu’il recevra prochainement, le ministre de la Santé promet sur le sujet un « nouveau cadre d’action » avant l’été, impliquant la contribution des acteurs privés et « une meilleure valorisation de l’effort consenti ».

Sur les parcours de soins, le ministre lance une autre mission, confiée à des élus et des professionnels, sur les maternités, la santé des femmes et des nouveau-nés, dans le but d’identifier les organisations innovantes qui fonctionnent dans une approche territoriale, mais également améliorer les conditions d’exercice des professionnels et favoriser par exemple l’exercice mixte ville / hôpital, pour les sages-femmes.

Autre secteur sous tension : la psychiatrie et notamment la pédopsychiatrie, avec des propositions demandées à la Commission nationale de la psychiatrie « sur une adaptation des effectifs à la charge en soins, ou d’autres mesures d’attractivité pour les professionnels du secteur ». Les assises de la santé de l’enfant et de la pédiatrie auront également un chapitre dédié à la pédopsychiatrie.

François Braun a plus généralement appelé de ses vœux l’avènement de « l’hôpital territorial », estimant que des réformes telles que le plafonnement des tarifs de l’intérim à l’hôpital était « un démonstrateur typique de cet état d’esprit territorial ». Le ministre a évoqué de nombreux autres points de sa feuille de route, sur le 100% Santé, la reconnaissance des soignants hospitaliers via le dialogue social et la valorisation du travail de nuit, la négociation également avec les libéraux, le financement des établissements de santé, le numérique en santé ou encore le lancement, le 12 mai prochain, de travaux sur la « refonte du métier d’infirmier ». 

La prévention fera l’objet d’un premier comité de pilotage national dans les prochaines semaines pour tirer en particulier les leçons des Assises de la pédiatrie et pour préparer des réformes telles que les bilans de prévention aux âges clefs de la vie.

Le ministre Braun a terminé son discours de clôture en citant Winston Churchill : « Il ne sert à rien de dire nous avons fait de notre mieux, il faut faire ce qui est nécessaire ». Pourtant à écouter les mesures, on a l’impression que le ministre a « fait de son mieux » mais pas vraiment « ce qui est nécessaire ».

Au final, beaucoup de petites annonces mais aucune mesure forte…

 

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