Le texte de la réforme des retraites présenté lundi 23 janvier par le gouvernement confirme la hausse d’un point des cotisations retraites des employeurs publics, à partir de 2024. Cette réforme censée permettre le retour à l’équilibre du système des retraites aura de nombreuses conséquences, notamment financières, pour les collectivités.
« On va aussi demander aux employeurs dans la fonction publique territoriale d’augmenter un peu leurs cotisations »
Cette petite phrase prononcée par Elisabeth Borne, sur France Inter le 14 janvier dernier, a fait sursauter bien des maires, puis, s’en est suivi une déclaration de Dominique Faure « Nous étudions la possibilité que cette réforme s’accompagne d’une hausse modérée des cotisations retraite des employeurs territoriaux et hospitaliers ». La ministre précisant que cette évolution ferait « bien entendu » l’objet « d’échanges avec les associations d’élus ». Mais d’échanges, il n’y a pas eu de traces : la décision a été prise et figure noir sur blanc dans le projet de loi. Ce gouvernement, qui ne cesse de prôner une « confiance retrouvée » avec les associations d’élus, a donné un sérieux coup de canif à cette confiance, en décidant au dernier moment et en contradiction avec ses engagements, de faire payer une partie de la réforme aux employeurs territoriaux.
Voilà qui représente à la fois une mauvaise surprise et une mauvaise manière, dans la mesure où le gouvernement s’était engagé, dans les mois qui ont précédé l’annonce de cette réforme, à ne pas toucher aux cotisations sociales des employeurs publics.
Dans le « rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites » rendu public lundi dernier, on peut lire que la CNRACL (Caisse Nationale de Retraites des Agents des Collectivités Locales) « est le régime dont la situation financière est la plus dégradée, même après réforme ». Le gouvernement estime donc qu’une « mesure ciblée est nécessaire pour améliorer le solde de ce régime ». Cette mesure consistera à augmenter le taux de cotisation employeurs publics de la CNRACL d’un point « en 2024 ». Le « rendement » de cette mesure, c’est à dire le coût pour les employeurs territoriaux et hospitaliers, est estimé par le gouvernement à 600 millions d’euros par an de 2024 à 2028, puis à 700 millions d’euros par an à partir de 2028. Ce qui représenterait 460 millions d’euros de dépenses supplémentaires par an pour les employeurs de la fonction publique territoriale. Bien évidemment, seuls les employeurs publics, et encore, pas l’État lui-même, auront à contribuer financièrement à la réforme.
En augmentant les cotisations des employeurs publics, cela revient clairement à augmenter le coût du travail. Cela aura également des incidences sur les capacités d’autofinancement des communes et donc sur leurs investissements. Le gouvernement a souhaité faire en sorte que la réforme ne coûte rien aux employeurs privés, « pour des raisons de compétitivité et de coût du travail ». Mais la hausse des cotisations pour les employeurs territoriaux en dit long sur la façon de penser de l’exécutif : quand il s’agit des services publics, on ne parle plus de ‘’coût du travail’’, de ‘’performance’’ ou de ‘’compétitivité’’.
Le calendrier parlementaire :
À présent que le texte a été adopté en conseil des ministres, une éprouvante bataille devrait s’ouvrir au Parlement. La discussion démarrera à l’Assemblée nationale, en commission des affaires sociales, lundi prochain, le 30 janvier. Puis, le débat en séance publique, prévu du 6 au 17 février. Le 9 février sera une journée réservée à des textes du Parti Socialiste. Le président du groupe, Boris Vallaud a proposé de reporter cette journée pour donner plus de temps au débat mais la présidente de l’Assemblée nationale, soutenu par le RN, a refusé.
Les débats ne pourront se prolonger au-delà de cette date : la Constitution et son article 47.1, arme encore jamais utilisée dans l’histoire de la Vème République, fixe très précisément les règles en matière de lois de financement de la Sécurité sociale. L’Assemblée nationale ne peut discuter d’un tel texte pendant plus de 20 jours à partir de son dépôt. Si à l’issue de ce délai, le texte n’a pas été adopté, le gouvernement est dans l’obligation de transmettre le texte au Sénat, ou dans sa version initiale, ou, à son choix, en retenant tout ou partie des amendements qui ont été adoptés à l’Assemblée nationale. Le Sénat a alors 15 jours pour statuer, avec convocation, si besoin, d’une commission mixte paritaire. En cas d’échec de celle-ci, le texte revient devant l’Assemblée nationale, mais il doit, en tout état de cause, être adopté dans les 50 jours qui suivent son dépôt initial, ce qui nous amène à la dernière semaine du mois de mars. Si ce n’est pas le cas, la Constitution autorise le gouvernement à prendre le texte par ordonnance.
Il est aussi possible de faire adopter le texte par le biais de l’article 49.3 de la Constitution. Cette procédure serait une manière déguisée pour le gouvernement de faire passer ce projet de loi sans vote et sans débat. Mais cela représenterait, vu l’enjeu social majeur de ce texte, un risque politique considérable que le gouvernement souhaite visiblement éviter à tout prix.
On peut se poser la question : Est-ce que le texte portant la réforme du système des retraites entre bien dans le cadre d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Notamment sur son aspect budgétaire. Ou est-ce alors un détournement de la Constitution ? Le Conseil Constitutionnel devra répondre à cette question. Les mises en garde de son président Laurent Fabius laissent à penser qu’en cas d’adoption, la loi pourrait bien être censurée.