Le RIP c’est toujours non…

Mercredi 3 mai, Le Conseil constitutionnel a rejeté la proposition de loi que l’opposition souhaitait soumettre à la procédure de Référendum d’Initiative Partagée.

Sans grande surprise, l’institution de la rue Montpensier a rejeté hier la deuxième proposition de loi déposée par l’opposition pour l’organisation d’un RIP. Cette proposition de loi se voulait pourtant consolidée, elle n’aura pas eu plus de chance que la précédente…

Le Référendum d’Initiative Partagée et ses règles du jeu

La procédure relative à l’organisation d’un référendum d’initiative partagée est issue de la réforme constitutionnelle de 2008. Elle est encadrée par l’article 11 de la Constitution.

 Cet article fixe un certain nombre de conditions pouvant permettre la mise en place d’un tel référendum.

Première condition : la proposition de loi soumise à référendum, doit porter sur un nombre limitatif de sujets : l’organisation des pouvoirs publics, une réforme relative à la politique économique, sociale ou environnementale, ou la ratification d’un traité. 

Deuxième condition : la proposition de loi soumise à référendum doit être signée par au moins un cinquième des membres du Parlement, soit au moins 185 députés ou sénateurs. 

Troisième condition : le texte « ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an ». 

Si toutes ces conditions sont réunies, le Conseil constitutionnel valide le texte, et ses auteurs doivent alors recueillir le soutien « d’un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales », soit environ 4,9 millions de personnes. Enfin, si cette ultime étape est passée et, là encore, validée par le Conseil constitutionnel, il ne faut pas croire que le référendum est alors automatiquement organisé. En effet, le texte doit alors être examiné « au moins une fois par les deux assemblées dans un délai de six mois ». C’est uniquement si cette condition n’est pas réalisée que le Président de la République est obligé d’organiser un référendum. Autrement dit, il suffit de faire passer le texte devant les deux assemblées pour qu’il n’y ait pas de référendum, même si le texte est rejeté par le Parlement. 

Précisons également que rien, dans l’arsenal législatif, n’oblige l’exécutif à suspendre l’application d’une loi durant la période de recueil des signatures.

Le diable se cache dans les détails…

Ce mercredi, le Conseil constitutionnel devait donc statuer pour décider si la proposition de loi de l’opposition remplissait, ou non, les conditions fixées par l’article 11. 

La réponse a été « oui » pour une d’entre elles : la proposition de loi a bien été présentée par au moins un cinquième des parlementaires, puisque 253 d’entre eux (162 députés et 91 sénateurs) l’ont signée. 

Pour les autres conditions, ça se complique un peu plus…

 La proposition de loi de l’opposition comportait deux articles : le premier fixait à 62 ans l’âge maximum pour l’ouverture d’une pension de retraite ; le second proposait de relever à 19,2 % le taux de CSG sur les revenus du capital mobilier.

Conformément aux conditions citées plus haut, une proposition de loi ne doit pas avoir pour objet d’abroger une disposition promulguée depuis moins d’un an. Une condition respectée puisque les signataires ont fait enregistrer le texte par le Conseil constitutionnel le 13 avril, alors que la loi passant l’âge légal de la retraite à 64 ans a été promulguée le 14 avril.

Le Conseil devant statuer en tenant compte de la date d’enregistrement du texte, la proposition ne remettait pas en cause une disposition promulguée.

Mais à la date où a été enregistré ce texte, l’âge légal de la retraite était déjà fixé à 62 ans… pour 24 heures encore ! À cette date donc, interdire de fixer l’âge légal de la retraite au-delà de 62 ans ne constituait donc pas un changement de l’état du droit. L’article 11 de la Constitution impose que le texte soumis à référendum porte « sur une réforme de la politique économique ou sociale » et, en l’espèce, ce texte ne proposait pas de réforme à l’heure où il a été enregistré. 

On peut donc conclure que ce texte n’avait aucune chance d’être validé par le Conseil constitutionnel ! En effet, enregistré avant le 14 avril, il ne constituait pas une « réforme » ; enregistré après le 14 avril, il remettait en cause une réforme promulguée depuis moins d’un an…

On a toutes les raisons de s’interroger sur le fait que le RIP semble avoir été pensé, crée et élaboré de façon à ne jamais pouvoir aboutir.

Un joker nommé « abrogation » 

Il n’est donc plus possible de proposer une démarche référendaire d’ici le 14 avril 2024, soit un an après la promulgation de la loi. 

Les derniers espoirs se placent maintenant dans les propositions de loi déposées à l’Assemblée nationale abrogeant la réforme des retraites. 

Au centre du jeu, une proposition de loi  déposée par le groupe Liot, qui donne des sueurs froides à l’exécutif et à sa majorité relative.

Une proposition qui suscite en tout cas la bienveillance de tous les opposants à la réforme des retraites, Nupes et RN compris. Chez LFI aussi, donc. Pourtant, cela revient à faire voter l’Assemblée sur le fameux article 7 (désormais article 10), que les insoumis voulaient à tout prix éviter lors de l’examen du texte à la chambre basse, de peur de perdre.

Le texte du groupe Liot devrait être présenté le 8 juin, date de sa prochaine niche parlementaire, l’occasion de rejouer la carte « motion de censure ».

Sauf qu’une motion de censure doit être adoptée à la majorité absolue, contrairement à une proposition de loi où la majorité simple suffit. Une nouvelle fois, tout se jouera donc sur le choix des députés du groupe LR…

 

Posted in Actu, Actualités, Le décryptage parlementaire.