Des dispositions qui plafonnent la rémunération des vacations des médecins intérimaires dans les établissements de santé s’apprêtent à entrer en vigueur le 3 avril prochain. Même si les associations d’élus sont favorables à ce plafonnement, elles appellent l’État à faire preuve d’anticipation.
Les tarifs perçus par les médecins intérimaires peuvent aller jusqu’à 5 000 euros par jour pour travailler dans un service d’urgence. Face à l’opprobre que suscitent ces pratiques et à leur coût pour les finances publiques, le législateur a décidé de plafonner ces tarifs via la loi Rist (loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification). Le plafond a été fixé à 1 170 euros brut pour une vacation de 24 heures.
Beaucoup de maires craignent que cette disposition provoque des dysfonctionnements.
François Braun, ministre de la Santé a évoqué « un intérim cannibale qui rémunère injustement le nomadisme professionnel et détruit la cohésion des équipes ». Le terme de « mercenariat » est aussi souvent évoqué pour qualifier ces pratiques. Même si, selon François Braun, elles sont « minoritaires ».
Reste que les élus comme les professionnels sont inquiets, à l’approche de l’échéance du 3 avril. La sénatrice socialiste Annie Le Houérou, indiquait le 2 mars dernier, lors d’une séance de questions au gouvernement : « Nous sommes alertés par les praticiens hospitaliers, notamment dans les services d’urgence, qui peinent à boucler les plannings faute d’intérimaires acceptant les nouveaux tarifs. »
Pour Frédéric Chéreau, maire de Douai et co-président de la commission Santé de l’AMF : « Nous sommes évidemment favorables au plafonnement, parce que les dépenses liées au paiement de l’intérim sont totalement déraisonnables. Mais nous avons la crainte d’un bras de fer entre les médecins urgentistes et l’État. Que va-t-il se passer si certains urgentistes jouent la politique de la chaise vide ? »
Du côté de l’Association des Petites Villes de France, les craintes sont identiques. Les maires des petites villes souhaitent « la fin du mercenariat » mais vouloir à tout prix éviter que celle-ci « menace le fonctionnement des établissements de proximité », qui sont « très dépendants des intérimaires ». L’association demande au ministre de la Santé si des « dérogations » pourront être accordées après le 3 avril « pour ne laisser aucun établissement sans solution ».
Il paraît donc indispensable, de préparer très en amont le basculement, en anticipant les conséquences de ce plafonnement et partager l’information avec les maires. L’AMRF constate que « les concertations locales que doivent mener les ARS avec les acteurs locaux pour anticiper les risques de fermetures de services et apporter des solutions sont encore trop disparates sur le territoire ». L’association appelle l’État à « renforcer » ces concertations, quitte, si nécessaire, « à repousser une nouvelle fois encore la mise en œuvre concrète de ce plafond tarifaire », devait initialement entrer en vigueur en octobre dernier.
Le ministre de la Santé semble sur la même longueur d’onde. Début mars, au Sénat, il indiquait avoir « demandé aux agences régionales de santé d’animer des concertations locales, territoire par territoire, avec les préfets et les élus pour affiner les diagnostics, établissement par établissement ». Il leur a demandé de « construire des solutions avec les professionnels de santé du territoire, mais également avec les centres hospitaliers universitaires et les établissements sièges de groupements hospitaliers de territoire (GHT), dont c’est la responsabilité. »
Sans oublier la médecine de ville, car, comme le répète inlassablement Frédéric Chéreau, « le vrai sujet des urgences, c’est la médecine de ville ! ». Les statistiques indiquent que les deux tiers des patients reçus aux urgences devraient, en réalité, être reçus en ville.
Comment assurer une permanence des soins en ville, qui permette aux patients de se tourner vers un généraliste de garde plutôt que d’engorger les urgences ? Des réflexions qui devraient être menées sur plusieurs fronts selon le maire de Douai, non seulement sur la présence des médecins, par exemple au sein des maisons médicales de garde, mais y compris sur les modalités d’accès aux soins : « Il faudrait réfléchir par exemple à la suppression du ticket modérateur dans les maisons médicales de garde, pour que leur accès, comme celui des urgences, soit perçu comme gratuit ». Et d’ajouter : « Du côté des maires, nous sommes prêts à appliquer des solutions innovantes. Il faut que l’État invente, la santé est de sa compétence, et nous participerons à l’effort collectif. »
La question de l’intérim n’est qu’une partie du problème. Beaucoup de questions se posent, à moins d’un mois de l’échéance du 3 avril. Les établissements privés vont-ils s’aligner sur les tarifs imposés par la loi Rist dans le public ? S’ils ne le font pas, la distorsion qui s’établirait alors entre établissements publics et privés risquerait de vider littéralement les hôpitaux publics. Le ministre de la Santé se veut optimiste sur ce point : il a indiqué que « les acteurs du secteur privé se sont engagés à nous suivre sur la voie d’une rémunération raisonnée de ces périodes d’intérim médical ».
L’avenir nous le dira !