Véhicules des élus locaux : service ou fonction ?

En France, le principe de gratuité des fonctions électives locales est un fondement essentiel de notre système politique. Cependant, la question de l’utilisation des véhicules fournis par les collectivités aux élus locaux peut susciter des interrogations légitimes.

Historiquement, les fonctions municipales étaient gratuites, un principe réaffirmé par diverses législations et inscrit dans l’article L. 2123-17 du Code Général des Collectivités Territoriales. Cette législation stipule que toute exception à cette gratuité, y compris les indemnités et avantages en nature, doit être expressément prévue par la loi (Conseil d’État, 27 juillet 2005, n° 259004).

Pour les agents territoriaux, la différenciation entre véhicule de service et de fonction est clairement définie par larticle L. 721-3 du Code Général de la Fonction Publique. Un véhicule de service est exclusivement destiné aux missions professionnelles, tandis qu’un véhicule de fonction peut également être utilisé à des fins personnelles, constituant un avantage en nature.

En ce qui concerne les élus locaux, la situation est plus nuancée. L’article L. 2123-18-1-1 du CGCT autorise le conseil municipal à mettre des véhicules à disposition des élus ou des agents lorsque cela est justifié par leurs fonctions. 

Une réponse ministérielle à une question écrite du Sénat a apporté des éclaircissements. Elle a affirmé que les véhicules fournis aux élus locaux sont des véhicules de service et non de fonction. Un véhicule de service est réservé aux trajets professionnels et ne peut être utilisé à des fins privées, contrairement à un véhicule de fonction, qui constitue un avantage en nature devant être déclaré. Selon un principe posé par la loi et régulièrement rappelé par le Conseil d’État, les fonctions d’élu local sont gratuites. Toute dérogation apportée à ce principe, qu’il s’agisse d’indemnités ou d’avantages en nature, doit être prévue par un texte exprès (Conseil d’État, 27 juillet 2005, n° 259004).

La jurisprudence confirme cette interprétation. Par exemple, dans une décision rendue par le Tribunal Administratif de Toulon, il a été établi que les véhicules attribués au maire et à un adjoint étaient considérés comme des véhicules de service. Le Tribunal Administratif de Toulon, dans une décision du 8 avril 2016 (n° 1402248), a confirmé que la mise à disposition de véhicules aux élus peut constituer un avantage en nature, apportant ainsi une base légale. De manière similaire, la Cour Régionale des Comptes d’Ile-de-France a recommandé une supervision rigoureuse de l’utilisation des véhicules afin de prévenir tout usage personnel non autorisé (CRC Ile-de-France, 11 septembre 2017).

L’utilisation des véhicules de service par les élus doit être encadrée par une délibération annuelle précisant les conditions d’utilisation. Toute utilisation personnelle est interdite et peut conduire à l’annulation de la délibération par le juge administratif, ainsi qu’à des demandes de remboursement par la chambre régionale des comptes.

Introduit par la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, l’article L. 2123-18-1-1 du CGCT encadre la mise à disposition de véhicules et d’autres avantages en nature par une délibération annuelle.

En bref, les véhicules mis à disposition des élus locaux sont des véhicules de service, destinés exclusivement à un usage professionnel. Il est impératif que les collectivités encadrent strictement leur utilisation pour respecter le cadre légal et prévenir tout abus. Cette clarification est essentielle pour maintenir la transparence et l’intégrité des fonctions électives locales. Le rapport de la Commission des Lois du Sénat souligne que le législateur souhaitait encadrer l’octroi d’avantages en nature, parmi lesquels figure l’attribution de véhicules, et non de le proscrire, assurant ainsi la transparence et la régulation. Ainsi, en fournissant un véhicule à un élu local, la collectivité s’assure de respecter le principe de gratuité des fonctions électives et de veiller à une utilisation en accord avec la législation en vigueur.

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